La réputation du journaliste Jake Adelstein n’est plus à faire. Après le fantastique Tokyo Vice, qui levait le voile sur l’étrange univers du journalisme au Japon, et Le Dernier des yakuzas, sur la célèbre mafia nippone, voilà que le reporter, auteur et maintenant prêtre zen (!) revient sur l’histoire Mt. Gox et la ruée vers les bitcoins, dans J’ai vendu mon âme en bitcoins, paru aux éditions Marchialy.
Écrit en collaboration avec Nathalie Stucky, une autre journaliste d’enquête, Adelstein remonte ici jusqu’en 2011, aux premiers instants de l’existence des cryptomonnaies, et plus précisément du bitcoin, qui deviendra le « porte-étendard » de ces devises virtuelles. Et si certains pans de l’histoire de ces monnaies sont connus, entre autres en raison des divers scandales qui ont éclaté, y compris les cas de piratage chez Mt. Gox, un temps la plus importante plateforme d’échanges en bitcoins, l’auteur effectue ici un travail d’enquête remarquable, remontant la piste du fondateur de la plateforme, Mark Karpelès, et examinant de plus près les agissements des divers services de police qui se sont saisis de l’affaire.
Ce qu’il faut savoir, dans ce roman rédigé avec la verve habituelle d’Adelstein – merci au traducteur anglais – français Cyril Gay, d’ailleurs –, c’est que non seulement le bitcoin est lié de près aux plateformes commerciales illégales installées dans le Dark Web, notamment Silk Road, mais que l’existence de Mt. Gox et les événements qui conduiront à sa chute sont directement influencés par les agissements souvent désordonnés de Karpelès, mais aussi par l’incompétence et la cupidité des services de police.
En effet, Adelstein rappelle ici, après l’avoir mentionné dans de précédents ouvrages, que le système de justice japonais, qui se targue d’un taux de condamnation de 99%, repose principalement sur ce qui représenterait ici de grossières et honteuses violations des droits des suspects. Gardes à vue répétées, accusations multiples pour tenter de faire avouer les « criminels », impossibilité de communiquer avec un avocat pendant de longues périodes… Ajoutez à cela des policiers américains véreux qui ont eu recours à toutes sortes de manoeuves illicites pour tenter de prouver que Karpelès était à la tête de Silk Road, entre autres, et vous obtenez un portrait beaucoup plus nuancé de la situation. Rien n’est vraiment clair, dans cette histoire, si ce n’est les résultats obtenus par Adelstein et sa collègue.
Livre parfois amusant, souvent passionnant, et toujours pertinent, J’ai vendu mon âme en bitcoins se lit comme l’on dévore un récit d’enquête débordant de personnages multidimensionnels, et où le journaliste en charge de tirer le tout au clair affiche clairement une personnalité attachante et originale. Un petit bonbon littéraire qui se termine trop rapidement.
J’ai vendu mon âme en bitcoins, de Jake Adelstein et Nathalie Stucky, publié chez Marchialy, 230 pages.