Bien que son intrigue délaisse la confrontation directe pour prendre une tournure un peu plus intimiste, les amateurs de Grass Kings, le polar rural de Matt Kindt et Tyler Jenkins, voudront certainement se procurer le second tome de cette série, aux relents de True Detective et de Steinbeck…
Le premier tome de Grass Kings (lire notre critique ici) introduisait le « Grass Kingdom », une communauté fermée vivant à l’écart du reste des États-Unis, et mettait la table pour une lutte à finir entre ses habitants, considérés comme des squatteurs occupant illégalement le territoire, et les policiers du comté voisin de Cargill, après que la femme du shérif y ait trouvé refuge. Soupçonnés par les forces de l’ordre d’abriter un meurtrier dans leur rang, les citoyens du « Royaume » mèneront leur propre enquête dans ce second tome, et tenteront de faire la lumière sur le décès de Jen Handel, une institutrice morte il y a plusieurs années dans l’incendie de sa roulotte, afin de déterminer s’il s’agit d’un suicide ou d’une autre victime de l’assassin surnommé le « tueur courant d’air », mais malheureusement, déterrer le passé peut parfois réserver de bien mauvaises surprises…
En opposant son « Royaume » au reste du monde, le premier tome de Grass Kings constituait une allégorie sur la possession du territoire (et sa légitimité, appuyée la plupart du temps par le sang versé), mais ce second volume adopte un ton beaucoup plus intimiste. Après avoir mis l’emphase sur Robert, le chef de cette « terre promise » et ses frères Bruce et Ashur, l’auteur Matt Kindt s’attarde maintenant aux autres marginaux composant la communauté. On fera donc plus ample connaissance avec les sœurs Satellites, qui voient et entendent tout grâce à leur système de surveillance, avec Johann et son élevage d’oiseaux carnivores, ou encore Hemingway, un journaliste ayant débarqué dans le « Grass Kingdom » en suivant la piste du tueur en série. Tournée davantage vers l’intérieur, l’intrigue s’inscrit dans la plus pure tradition du polar, mais reste quand même intéressante, et originale.
Une bonne partie du succès de Grass Kings est due à la signature visuelle unique, et très personnelle, de Tyler Jenkins, et les planches de ce second tome sont toujours aussi sublimes. À l’image de son « Grass Kingdom », à mi-chemin entre le dépotoir et l’utopie, les illustrations de l’artiste possèdent une véritable beauté sauvage, où la poésie côtoie la violence, et où les arrière-plans peints à l’aquarelle se conjuguent à des personnages et des environnements esquissés d’un trait nerveux leur donnant l’impression d’être en mouvement. Une coloration très organique, qui semble parfois usée et écaillée, achève de donner à chaque page la profondeur d’une toile. L’album contient les numéros 7 à 11 de la série, et se termine sur une galerie de couvertures, ainsi que quelques photos de l’atelier de Jenkins.
Dévoilant un peu plus les sombres secrets des habitants de ce « Royaume » en remontant la piste d’un insaisissable tueur en série, le second tome de Grass Kings solidifie le statut de cette œuvre de Matt Kindt et Tyler Jenkins comme l’un des meilleurs (et des plus beaux) polars graphiques de l’année.
Grass Kings, Tome 2, de Matt Kindt, Tyler Jenkins et Hilary Jenkins. Publié aux Éditions Futuropolis, 144 pages.
2 commentaires
Pingback: Critique Grass Kings, Tome 2 - Patrick Robert
Pingback: Grass Kings, Tome 3: le royaume de la mauvaise herbe - Pieuvre.ca