Disney poursuit sa stratégie de reprise en prises de vue réelles de ses plus grands classiques, et si l’exercice s’essouffle depuis déjà un moment, Aladdin, malgré les doutes qui entouraient le projet, surprend en raison d’un élément: la présence du cinéaste Guy Ritchie.
Jasmine a beau être considérée comme une princesse du même calibre que ses semblables, elle n’est pas l’héroïne de sa propre histoire, n’a pas de film portant son nom en guise de titre et n’a certainement pas l’épopée la plus mémorable, puisque son but ultime, si l’on simplifie, est ultimement de se trouver un mari.
Évitant la problématique du récent The Hustle, qui ne parvenait pas à retrouver le principe féministe de sa proposition, cette relecture d’Aladdin se lance dans un exercice assez intéressant en jouant constamment avec sa source pour mieux l’adapter à son époque, notamment en donnant encore plus de tonus au personnage de Jasmine en approfondissant sa psychologie.
Pas question de faire comme Beauty and the Beast, qui ajoutait des détails inutiles comme la cause de la mort de la mère de Belle; pas question, non plus d’imiter la prétention de Jon Favreau en donnant dans du plan par plan.
Au contraire, s’il s’handicape malgré tout de par sa durée (ajouter 30 minutes à un film d’1h30, quand même), le film évite tous les pièges dans lesquels Tim Burton est tombé lors de ses propres propositions, particulièrement son Dumbo.
La raison est probablement simple : à l’instar de l’irrésistible Pete’s Dragon de David Lowery, Guy Ritchie est le seul cinéaste à avoir collaboré au scénario. Mieux, s’il n’a pas fait équipe avec ses scénaristes habituels, il a été aidé, ironiquement, de John August, qui a fait sa renommée aux côtés de Tim Burton.
Et si les moments clés sont majoritairement présents et que les références au film d’animation original se comptent par milliers dans ce film (et pas nécessairement où on les attend), Ritchie a visiblement eu un seul désir en tête : s’amuser. Et sur ce point, comme c’est toujours le cas dans sa filmographie d’ailleurs, le plaisir est palpable et décidément contagieux.
Certes, c’est la première incursion de Ritchie dans le monde de la comédie musicale, un plongeon qui s’effectue d’ailleurs sans le directeur photo habituel du réalisateur. La première chanson, One Jump Ahead, fait d’ailleurs assez mal aux oreilles, tout comme les nouvelles chansons. dont les paroles et les airs ont été confiés à Benj Pasek et Justin Paul, qui ont travaillé sur La La Land et The Greatest Showman, mais qui donnent beaucoup trop dans une pop actuelle que dans l’intemporalité des chansons d’origine.
Pourtant, là où Bill Condon a échoué à recréer la magie de l’inoubliable scène chantée Be Our Guest, Ritchie réussit à faire de Friend Like Me et Prince Ali deux nouveaux moments d’anthologie qu’on voudra réécouter encore et encore.
Bien sûr, tout ne fonctionne pas parfaitement. Jafar est complètement raté, et si le tapis magique est toujours aussi amusant, les animaux animés par ordinateur sont loin d’évoquer toute la candeur de leur double animé.
Ritchie a d’ailleurs évité le serpent géant (qu’il s’était pourtant offert dans son mésestimé King Arthur: Legend of the Sword), en plus de favoriser les raccourcis faciles pour empêcher le récit de stagner. De refaire équipe avec son fidèle monteur James Herbert explique aussi probablement pourquoi, malgré sa durée et ses détours plus nébuleux, le long-métrage ne donne que très rarement l’impression de s’alourdir, le rythme y étant constamment soutenu.
Il faut aussi dire que d’avoir donné la parole à une distribution dominée par des nouveaux venus apporte un vent de fraîcheur. Certes, Mena Massoud et Naomi Scott ne pourraient pas porter la totalité du film sur leurs épaules et on regrette que le pourtant hilarant Billy Magnussen soit aussi peu utilisé. Par contre, si Nassim Pedrad, membre de la distribution de Saturday Night Live fait beaucoup rire, Aladdin est certainement le film de Will Smith, malgré la controverse entourant son personnage du génie.
Avec un charisme à toute épreuve, l’acteur renoue enfin avec la comédie et s’approprie le rôle avec doigté, parvenant à faire quelque chose qui lui est propre sans jamais oser recréer ou faire oublier ce que Robin Williams avait fait à l’époque.
Enfin, il est évident qu’une telle proposition n’était pas nécessaire et qu’elle repose essentiellement sur un coup d’argent facile surfant sur de la nostalgie. Pourtant, l’approche de Ritchie mérite le respect et représente, on l’espère, un renouveau dans la manière d’aborder ces remakes. S’il a certainement accepté le projet pour le cachet, mais aussi pour faire plaisir à ses enfants, il n’a pas pour autant décidé d’abdiquer, s’assurant de garder le plaisir de tous à l’avenant, tout comme d’y apposer sa signature aux limites du possible. On parle de Disney, après tout.
Aladdin est donc une écoute simple et légère qui surprend et fait du bien, à défaut de plus. Ce qui est tout de même beaucoup.
6/10
Aladdin a pris l’affiche en salles le jeudi 23 mai.
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