En plus d’être la plus jeune candidate jamais élue au Congrès et d’incarner le vent de changement qui balaie la politique américaine depuis les élections de mi-mandat, Alexandria Ocasio-Cortez est maintenant l’héroïne d’un comic, et pour en apprendre un peu plus sur cet album inusité, Pieuvre.ca s’est entretenu avec son éditeur, Josh Blaylock.
Ce n’est pas la première fois qu’une bande dessinée intègre un politicien dans ses pages. De Richard Nixon dans Watchmen en passant par Justin Trudeau, qui s’est retrouvé sur la couverture d’un numéro du Civil War II il y a quelques années, les exemples ne sont pas si rares. Tandis que certains artistes considèrent qu’il est préférable de garder la politique loin des comics pour ne pas s’aliéner une partie du lectorat, ce n’est certainement pas l’avis de Josh Blaylock, éditeur chez Devil’s Due Comics, qui affirme au contraire que les deux ont toujours été intimement liés. « Ça me fait toujours rire quand les gens disent qu’il ne faut pas mélanger politique et comics. L’adage de Superman est: « vérité, justice, et le rêve américain ». Les X-Men sont directement inspirés du mouvement pour les droits civiques des années 1960. On trouve une critique ouverte de l’ère Reagan dans le travail de Frank Miller et d’Alan Moore, sans oublier Maus, l’un des plus grands romans graphiques de tous les temps… ».
Il y a tout de même un pas entre intégrer une véritable figure politique dans sa fiction, et en faire son personnage central. Après avoir lancé en 2009 une minisérie de quatre numéros intitulée Barack the Barbarian, dans laquelle l’ancien occupant de la Maison-Blanche tenait la vedette, Devil’s Due Comics tente à nouveau l’expérience, avec Alexandria Ocasio-Cortez and the Freshman Force, une anthologie réunissant une vingtaine d’auteurs et d’illustrateurs (dont Tim Seely, Marguerite Dabaie, Adam McGovern, K. Lynn Smith et Travis Hymel pour ne nommer que ceux-là). Pourquoi avoir choisi la représentante du 14ème district de New York comme héroïne? « Je l’admire énormément », avoue Josh Blaylock. « J’apprécie surtout le mouvement qui s’est cristallisé autour d’elle. Quand elle a confié en entrevue qu’elle était une geek et qu’elle raffolait de comics et de culture populaire, l’idée m’a effleurée, mais lorsqu’elle a cité Alan Moore en réponse à un article du Politico, je me suis dit OK, il faut le faire maintenant ».
Proposant une série de courts récits de quelques pages chacun et illustrés dans des styles graphiques très variés, Alexandria Ocasio-Cortez and the Freshman Force dépeint la jeune politicienne en ninja, en guerrière farouche, ou en superhéros brandissant un glaive pour combattre la cupidité des corporations et les lobbys religieux de droite. En la mettant ainsi en scène comme une sorte de Wonder Woman, n’y a-t’il pas un risque de tomber dans le culte de la personnalité, et de susciter des attentes particulièrement élevées envers l’initiatrice du « New Green Deal »? Selon Blaylock, c’est effectivement un risque. « C’est sans doute la raison pour laquelle, lorsqu’elle a appris l’existence de la bande dessinée, elle s’est dite flattée, mais a ajouté qu’elle n’est qu’une personne ordinaire qui essaie de faire son travail (rires). Je n’ai jamais été un partisan aveugle. Il est important de conserver son sens critique, peu importe ses allégeances. Je ne suis pas naïf au point de croire que les politiciens ne peuvent pas changer avec le temps, mais jusqu’à maintenant, elle ne m’a pas déçu ».
En utilisant les comics pour vulgariser et aborder la politique, Alexandria Ocasio-Cortez and the Freshman Force pourrait bien inciter les jeunes Américains à s’impliquer davantage et aller voter, mais il ne s’agit pas de l’intention première derrière le projet. En mettant sur pied cette anthologie, Josh Blaylock souhaitait avant tout capturer le moment. « J’avais surtout envie de la célébrer, de célébrer le momentum qu’elle a créé », dit-il. « Nous sommes plusieurs à espérer le changement qu’elle propose, et des initiatives comme celles-ci aident à la cohésion du mouvement, à fouetter les troupes. Aussi, en tant qu’artiste, c’est comme une catharsis. C’est beaucoup plus productif, et satisfaisant, d’utiliser son art et de créer un comic que de se plaindre sur Facebook… ». Comme tous les profits seront distribués à des organismes de charité, on peut dire que la bande dessinée ne sert pas uniquement de défouloir, mais fait également œuvre utile à plusieurs égards.
S’il est encore trop tôt pour savoir si on aura droit à un second volume d’Alexandria Ocasio-Cortez and the Freshman Force, Josh Blaylock confirme que la version dessinée de la politicienne sera de retour en juillet, aux côtés du candidat à l’investiture du Parti démocrate Bernie Sanders, dans une toute nouvelle anthologie à saveur politique intitulée Talk Bernie to Me. On n’a donc pas fini de voir les politiciens jouer aux superhéros…
Alexandria Ocasio-Cortez and the Freshman Force, ouvrage collectif. Publié aux éditions Devil’s Due Comics, 48 pages.
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