L’incroyable aventure télévisuelle de Game of Thrones a pris fin dimanche soir, sur la chaîne HBO, et avec elle, une page d’histoire se tourne. Retour sur une série qui s’est terminée en queue de poisson.
Une guerre continentale ayant rassemblé jusqu’à sept, voire huit aspirants-rois à la fois. Une menace blonde venue de l’Orient se réclamant d’un défunt souverain tyrannique et possédant trois dragons. Et au nord, une autre menace, celle-là carrément surnaturelle, et qui incarne la thématique du trépas, de la mort, de la lourde chape de glace qui mettrait fin au concept même de l’existence humaine.
Ajoutez à cela une bonne dose de jeux d’influence, de fourberies, de complots, de quête sans fin du pouvoir, de vieilles traditions médiévales et de realpolitik tout à fait moderne, et vous obtenez un univers plus que fascinant. La réputation de George R.R. Martin, l’auteur des livres de la série A Song of Fire and Ice, d’où est tirée Game of Thrones, n’est plus à faire. L’homme manie la prose comme pas un, et son style unique, combiné au jeu des différents acteurs retenus pour interpréter les principaux personnages de cette Guerre des roses version médiévalo-fantastique, a assuré le succès planétaire de la saga télévisuelle.
Le hic, dans tout cela, c’est que les créateurs de la série ont éventuellement rattrapé les livres déjà publiés. L’auteur avait beau avoir près de 20 ans d’avance sur l’adaptation télévisuelle de son oeuvre, n’écrit pas des briques qui veut, surtout pas avec des scénarios si complexes et des liens si nombreux entre les personnages qu’une encyclopédie serait carrément nécessaire pour s’y retrouver. Faut-il ajouter à cela une tendance à justement éparpiller son intrigue à un point tel qu’il devient difficile, voire impossible de tout réintégrer en une seule trame narrative principale, ou encore à un certain contentement? Martin continue d’être accusé de bien des choses, y compris de faire preuve de paresse, ou encore d’avoir attendu la fin de la série sur HBO pour enfin faire paraître le sixième tome de sa série, The Winds of Winter, attendu depuis huit ans, maintenant.
L’ambition… sans les moyens
Quoi qu’il en soit, les scénaristes de la série et les dirigeants de chez HBO, devant l’incroyable succès de l’adaptation, et ce dès les premiers épisodes, ont dû s’adapter en conséquence. Si les cinq premières saisons correspondaient largement à chacun des livres disponibles, avec de l’élagage et des transformations au passage, pour améliorer la fluidité de l’ensemble ou éviter que les budgets du département des effets spéciaux ne vident les caisses de la maison de production, les sixième, septième et huitième saisons se sont largement déroulées en terra incognita. Les responsables savaient bien entendu comment la saga devait se terminer, puisque George R.R. Martin avait communiqué les grandes lignes de son scénario aux scripteurs et producteurs, mais la différence fut majeure: autant les premières saisons comportaient quantité d’échanges et de dialogues complexes et prenants, et autant ces mêmes saisons tournaient justement autour du développement des personnages, avec des scènes d’action pour venir sous-tendre le tout, autant les trois dernières saisons semblent fonctionner selon les principes inverses.
Scénarios bancals, « téléportation » inexpliquée de personnages – ceux-ci se déplaçant à des vitesses incroyables pour franchir des distances considérables, alors qu’il n’existe aucun artefact magique ou moyen de transport moderne pour voyager aussi vite –, changements radicaux dans les « paramètres » de chaque épisode, par exemple avec des armes extrêmement efficaces contre les dragons dans un épisode, puis absolument inefficaces la semaine suivante… La fin de Game of Thrones laisse un goût amer dans la bouche de bien des amateurs.
Pouvait-il en être autrement? Pouvait-on contenter des centaines de millions de personnes – un peu plus de 19 millions d’entre elles ont regardé la finale en direct, sans compter les écoutes en différé et le piratage – sans en décevoir quelques-unes? Il y avait certainement matière à grandement améliorer les deux dernières saisons, et plus particulièrement cette huitième fournée d’épisodes, à l’allure de projet que l’on termine en quatrième vitesse sur le coin d’une table, mais force est d’admettre que l’impact de Game of Thrones dépasse très, très largement une simple série télé. Ce sont des acteurs que l’on a côtoyés pendant presque une décennie, que l’on a appris à connaître sur les réseaux sociaux, sur les sites d’informations. Ce sont des théories, certaines complètement folles, qui ont circulé par milliers sur Reddit et d’autres lieux de discussion. Ce sont des produits dérivés et des jeux, qui existaient en partie avant l’adaptation à la télé, mais qui se sont multiplié depuis. Et c’est, probablement, un monde humain, faillible, parfois magnifique, parfois misérable, comme l’on n’en rencontre que très rarement dans le monde culturel.
L’univers de Game of Thrones est incomplet. Les dernières saisons de la série télé ont déçu beaucoup d’amateurs, et voir le générique de fin apparaître après avoir visionné le 79e et dernier épisode suscite un sentiment doux-amer, une sorte de résignation. Le bon côté des choses, toutefois, est qu’il est toujours possible que George R.R. Martin publie « rapidement » ses deux derniers livres, et que l’on connaisse potentiellement un dénouement qui serait satisfaisant. Ce qui serait aussi envisageable, c’est que d’autres créateurs puissent enfin s’attaquer à cet univers particulièrement riche, sans risque d’empiéter sur les droits détenus par HBO. L’espoir fait vivre, après tout.
Et en désespoir de cause, pourquoi ne pas replonger dans les livres ou les premières saisons de la série? Ressasser les bons souvenirs n’a jamais fait de mal…
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