Pour se déplacer dans notre environnement, il est nécessaire d’observer les alentours, particulièrement les obstacles qui limitent les mouvements: les murs, le plafond et autres barrières qui définissent la géométrie de l’espace navigable autour de soi. Des chercheurs viennent d’identifier la zone de notre cerveau qui est responsable de cette détection.
Selon les neurologues et autres spécialistes du cerveau qui ont réalisé ces travaux, la région en question encode les contraintes spatiales d’un endroit, et ce à une vitesse époustouflante, ce qui pourrait contribuer à notre prise en compte immédiate de notre environnement. À son tour, cette prise de conscience nous permet de nous orienter dans l’espace pour éviter que l’on percute quelque chose, de situer l’endroit où l’on se trouve, ainsi que de se déplacer sans danger dans notre environnement.
Cette étude, publiée dans le magazine spécialisé Neuron, ouvre la voie à la compréhension des calculs complexes effectués par nos cerveaux pour nous aider à circuler. Effectuées par des chercheurs de l’Université Columbia et de l’Université Aalto, en Finlande, les démarches pourront aussi être appliquées au monde de l’intelligence artificielle, pour que les futurs cerveaux numériques puissent imiter les capacités visuelles du cerveau humain.
« La vision nous donne une impression quasi-instantanée de l’endroit où nous nous trouvons, et plus particulièrement en ce qui concerne la géométrie des surfaces – le sol, les murs – qui restreignent nos mouvements. Cela semble se faire sans effort, mais le geste nécessite en fait une activité coordonnée au sein de plusieurs régions du cerveau », affirme Nikolaus Krigeskorte, principal auteur de l’étude.
« La façon dont les neurones travaillaient de concert pour nous donner cet aperçu de notre environnement était demeurée mystérieuse. Avec cette étude, nous nous approchons d’une solution à cette énigme. »
Pour comprendre comment le cerveau perçoit la géométrie de l’environnement immédiat, l’équipe de recherche a demandé à des volontaires d’observer diverses images de scènes en trois dimensions. Une image pouvait dépeindre une pièce typique, avec trois murs, un plancher et un plafond. Les scientifiques changeaient alors systématiquement la scène: en retirant un mur, par exemple, ou en faisant disparaître le plafond. Simultanément, ils enregistraient l’activité cérébrale des participants à l’aide d’une combinaison de deux technologies d’imagerie cérébrale dans les installations d’imagerie neurologique de l’Université Aalto, en Finlande.
Notre système visuel est organisé en une série d’étapes hiérarchisées. La première de ces étapes se déroule en fait à l’extérieur du cerveau, dans la rétine, qui peut détecter des caractéristiques visuelles simples. Les étapes subséquentes, dans le cerveau, permettent d’apercevoir des formes plus complexes. En traitant les signaux visuels à travers une série d’étapes, et à l’aide de communications répétées entre ces étapes, le cerveau crée un portrait complet du monde, avec ses couleurs, ses formes et ses textures.
Dans le cortex, les signaux visuels sont d’abord analysés dans un endroit appelé cortex visuel primaire. Ils transitent ensuite à travers plusieurs autres régions corticales pour y être analysés de façon plus poussée.
Les chercheurs ont par ailleurs découvert que le cerveau semblait être en mesure de tracer un « portrait de l’espace » d’un lieu de façon extrêmement rapide, soit environ 100 millisecondes.
« La vitesse à laquelle nos cerveaux établissent la géométrie de base des lieux qui nous entourent est une indication de l’importance du fait de posséder rapidement cette information », soutient le Dr Henriksson, un autre membre de l’équipe de recherche. « Cela est essentiel pour savoir si vous êtes à l’intérieur ou à l’extérieur, ou pour connaître vos options s’il vous faut vous déplacer. »
Pour pousser leurs travaux encore plus loin, les scientifiques souhaitent incorporer la réalité virtuelle à leurs démarches pour créer des environnement en trois dimensions encore plus réalistes aux yeux des participants. Ils envisagent également de construire des réseaux neuronaux qui imitent la capacité du cerveau à percevoir un environnement.
« Nous aimerions combiner tout cela et concevoir des systèmes de vision informatisée qui ressemblent davantage à nos propres cerveaux, des systèmes qui possèdent de la machinerie spécialisée comme ce que l’on observe dans le cerveau, histoire de détecter rapidement la géométrie de l’environnement », a ajouté le Dr Kriegeskorte.