Il y a urgence à mieux éduquer le public au fonctionnement des médias. Ce message faisait consensus, la semaine dernière, parmi des journalistes et des experts en enseignement, réunis à la Grande Bibliothèque de Montréal, dans le cadre de la première Semaine québécoise de la presse.
Serge Barbet est directeur du Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLÉMI), qui organise en France une semaine similaire depuis 30 ans. Il a témoigné du bouleversement constaté dans son pays dans le rapport du grand public à l’information après l’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. La ministre française de l’Éducation de l’époque, Najat Vallaud-Belkacem, avait affirmé au micro de la radio RTL en 2015 qu’un jeune sur cinq adhérait aux thèses complotistes expliquant le drame. « Qu’est-ce qui a failli à l’école pour que les jeunes mettent en doute la parole des médias », s’est interrogé M. Barbet.
Mais éduquer les enfants au fonctionnement des médias, est-ce le rôle de l’école ou des parents, demandait la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), qui organisait cette table ronde.
Normand Landry, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains, rappelle que le rôle de l’école est de préparer à la citoyenneté. Or, explique-t-il, le programme éducatif québécois contient effectivement des notions d’éducation aux médias. « Le problème est qu’elles sont rarement évaluées, juge-t-il. Leur enseignement dépend donc de la bonne volonté des professeurs qui ne sont pas formés à les transmettre. »
Par exemple, « les enseignants sont toujours étonnés de voir à quel point il est facile de truquer des photos, des vidéos et des pages Internet », a expliqué Audrey Miller, directrice de l’École branchée, organisme qui forme des enseignants à mieux intégrer le numérique dans leur pédagogie.
Confrontation?
Normand Landry croit par ailleurs que l’éducation au fonctionnement des médias peut heurter les valeurs de certains parents car elle expose les élèves à un questionnement sur les représentations des groupes sociaux, des cultures, de la masculinité et de la féminité.
Et on aurait tort de croire que l’éducation aux médias ne doive se faire qu’à l’école, a ajouté Ève Beaudin, journaliste à l’Agence Science-Presse. « On doit expliquer à nos lecteurs ce qu’est un fait, beaucoup d’adultes n’ont pas cette notion, souligne-t-elle. Ils ont beaucoup de mal à départager le vrai du faux : les gens qui créent des fausses nouvelles sont très astucieux. » Elle liste des éléments qui endorment l’esprit critique: grille graphique ressemblant à celle des grands médias, titres accrocheurs, affirmations vraisemblables, utilisation astucieuse des réseaux sociaux…
Selon la responsable de la rubrique Détecteur de rumeurs, les médias doivent participer à l’éducation des adultes au travers de leur mission d’information. Elle plaide pour que chacun d’eux fasse preuve de pédagogie et soit transparent sur son mode de collecte et de traitement de l’information. Elle remarque en outre que de grands médias français comme la chaîne de télévision TF1 et le journal Le Monde participent déjà à la semaine française de la presse et des médias dans l’école.
C’était la première fois cette année qu’une telle semaine se tenait au Québec, sous l’égide de la FPJQ. Depuis un an et demi, la fédération organise aussi la formation #30 secondes avant d’y croire, grâce à laquelle des journalistes expliquent leur travail dans des écoles. « On a touché 8000 élèves en un an et demi, relate la responsable de l’initiative, Line Pagé. Est-ce assez? » Serge Barbet, en tout cas, l’affirme: « On va présenter ça aux profs français. »
Une amende de 50 millions de dollars pour un éditeur de fausses revues
Un commentaire
Pingback: Le Groupe Capitale Médias sur respirateur artificiel - Pieuvre.ca