Après Animaux (2016), qui accueillait des animaux de ferme en résidence, le NTE a convoqué des bébés pour le second volet d’une trilogie sur la notion de présence au théâtre. La pièce Bébés a lieu du 24 avril au 19 mai dans le foyer de la caserne de l’Espace Libre.
Qui est là? L’interrogation est reposée. Une mère tente de maintenir son bébé au centre du cercle de lumière, alors que d’un pas hésitant bien pesé la petite fille fait des allers-retours afin d’explorer l’obscurité tout autour. Qu’est-ce que la présence des animaux et des bébés a de si énigmatique, fascinant et pleine, tant et si bien que les vieux professeurs du Conservatoire mettaient en garde Daniel Brière et Alexis Martin: ne jouez jamais en scène avec des animaux ou de jeunes enfants, car personne ne vous portera attention!
Ces vétérans de la dramaturgie avaient raison, puisque cette scène du cercle de lumière dans l’obscurité met en lumière les déplacements, les gestes et les réactions du bébé sur scène. Cependant, le duo a bien retenu la leçon, étant donné que la scénographie et le jeu des comédiens sont mis en relation avec l’improvisation des bébés. On en vient à se demander ce que les bébés vont retirer de leur expérience théâtrale; ce simulacre particulier peut-il altérer leur développement?
L’espace scénique ressemble à une salle de jeu où on range les meubles, accessoires et jouets de chaque côté après utilisation. À partir de l’idée de l’introduction d’un être inoffensif dans la vie de son ou ses parents, la pièce expose la métamorphose excentrique concentrique de l’évolution empirique d’un poupon qui impose son tempérament à ses géniteurs. D’une allusion au christianisme à l’adaptation de Shakespeare pour les moins de 2 ans, une auréole poétique et philosophique nous berce.
Soudain, Alexis Martin anthropomorphise cette dimension de la parole omnisciente en incarnant un animateur de radio en pyjama. Le dramaturge ne commente pas l’état des routes ou la météo, mais l’état des garderies. Au verso de la salle de jeu, il s’agit d’un espace subversif qu’on n’arrive à voir qu’indirectement par une projection sur le mur du fond. Le comédien Jacques L’Heureux, alias Passe-Montagne, qui a également joué le rôle principal de la télésérie Un homme au foyer (1987-1989), figure en barman-gardien.
Le monologue de la comédienne Ève Landry et la chicane de couple des comédiens Philippe Ducros et Klervi Thienpont, qu’il surgisse au milieu d’un souper d’amis ou qu’elle soit entamée en pilant sur un jouet en caoutchouc, instaurent le tragique d’une arrivée qui bouscule tout. À nouveau, le NTE sature notre conscience de sorte qu’il est difficile de suivre l’aspect intelligible de la pièce et d’accorder de l’attention à l’objet montré. Comme pour Animaux (2016), notre attention doit abandonner l’un pour l’autre.
Bébés, à l’Espace Libre jusqu’au 19 mai.
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