Voilà deux siècles que Frankenstein, le célèbre roman de Mary Shelley, force l’humanité à confronté sa propre mortalité et ses rêves de vie éternelle. Dans le cadre du Festival international du film sur l’art (FIFA), le réalisateur français Jean Froment propose une fine analyse du phénomène littéraire, d’abord, mais aussi de l’impact de cette oeuvre immortelle sur la culture et la psyché humaines.
Écrit alors que l’Europe se mourrait des suites de « l’année sans été », au cours de laquelle les populations du Vieux Continent s’adonnaient parfois aux pires horreurs pour tenter de trouver quelque chose à manger, paysans et petites gens étant jetés sur les routes en raison d’une éruption volcanique qui avait déclenché un petit hiver nucléaire ayant détruit bon nombre de récoltes, Frankenstein a par la suite été immortalisé en une série de pièces de théâtre, puis de films.
D’un « méchant » capable de profondeur intellectuelle et confronté aux désirs fous d’un scientifique souhaitant vaincre la mort à un colosse uniquement capable de grogner, ce monstre du Dr Frankenstein représente une distorsion horrible et potentiellement inévitable du mythe de la Création. Aveuglé par son ambition, l’homme est-il condamné à créer une créature qui causera sa perte? Le documentaire se penche sur les extrêmes de l’ingéniosité humaine, qu’il s’agisse d’expériences médicales, de l’intelligence artificielle, voire de la bombe nucléaire.
Solidement structuré, alternant entre segments biographiques, séquences historiques, réflexions philosophiques et analyse littéraire, The Strange Life of Dr. Frankenstein représente un condensé fascinant de cette vision d’une humanité déchirée entre son besoin de repousser toujours plus loin les limites du possible, y compris dans le domaine scientifique, et la crainte viscérale de donner naissance à une créature ou un engin capable de nous anéantir.
Sommes-nous condamnés à nous autodétruire? Cette destruction semble bien entamée avec l’aide des changements climatiques, et la menace nucléaire n’a jamais vraiment disparu. Bien sûr, ces risques sont moins tangibles, plus abstraits. L’humanité n’en est pas encore rendue à créer des légions de clones tout aussi difformes que meurtriers, mais la déshumanisation des soldats est entamée depuis belle lurette. L’homme détaché de son humanité n’est-il pas une fantastique machine à tuer?
En s’intéressant à un thème universel, Mary Shelley a réussi à cristalliser son oeuvre, à la rendre intemporelle. Et en transposant le tout au grand écran, Jean Froment a donné naissance à un excellent documentaire.
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