Bien que discret dans notre filmographie, Marc Bisaillon n’en est pas moins essentiel, livrant ici son troisième long-métrage, L’amour.
On y découvre une douleur qui nous habite lourdement durant la projection et nous hante lentement une fois le film terminé. Une belle occasion de découvrir ou redécouvrir ce film nécessaire passé un peu trop sous le radar.
Il y a presque une décennie, le cinéaste Marc Bisaillon avait offert La vérité, une bouleversante exploration de la culpabilité que trop peu de gens ont vu. On le retrouve en train de continuer son exploration de sa thématique avec inspiration et maîtrise en adaptant à nouveau librement un fait divers. Toutefois, là où Joanne Arseneau cherche l’humour noir et le chaos dans sa télésérie développée avec Stéphane Lapointe, Bisaillon cherche davantage à conscientiser, près du drame, de ses sujets et de l’incompréhension généralisée.
Jouant habilement à l’aide du montage encore pris en charge par son fidèle collaborateur, le brillant Mathieu Bouchard-Malo, le cinéaste effectue des allers et des retours dans le temps pour créer une tension palpable sur ce qu’aurait pu avoir fait un jeune homme apparemment sans histoire et sans danger, continuellement tiraillé entre sa mère et son père qui pourraient difficilement être plus différents.
Développant une réflexion complexe et nuancée sur la définition de l’amour sous toutes ses formes, Martin Bisaillon retrouve Pierre-Luc Lafontaine, avec qui il fait des merveilles et qu’il doit sans équivoque s’approprier comme muse. Si le reste de la distribution vaut son pesant d’or, le succès est plus inégal, le côté sur-écrit et pas toujours naturel des répliques n’étant pas toujours donné à tous, particulièrement chez les plus jeunes.
Certes, Paul Doucet en contre-emploi apporte un intrigant attrait à son personnage doux, mais sévèrement manipulateur parmi tant de choses, qu’on aurait davantage vu sous les traits d’un acteur plus menaçant tel Normand D’amour, mais le côté anglophone très prononcé, tout comme l’apparition d’une grave maladie sans véritablement d’utilité autre que d’être beaucoup trop accessoire, est beaucoup moins convaincant. En revanche, la délicate Fanny Mallette apporte beaucoup de chaleur à la production, enveloppant le film de beaucoup d’empathie. Le film a après tout été produit en collaboration avec la véritable mère de celui dont le film s’est inspiré, ce qui expliquerait pourquoi ce personnage est le mieux défini.
Le sujet n’est pas nouveau et l’approche à la limite assez contemplative n’est pas sans rappeler le travail de Gus Vant Sant sur son Elephant, notamment, mais la sensibilité de Bisaillon est indéniable. Idem pour son désir de vouloir comprendre, malgré l’absence flagrante de réponses, en plus de ne jamais condamner inutilement, ce qui donne beaucoup de classe et de subtilité à l’ensemble. Certes, ses prises de position sont rapidement compréhensibles, mais son écriture est prudente et son regard, généreux.
L’accès au cinéma québécois étant de plus en plus compliqué face à un public qui déserte de plus en plus les grandes salles, encore utilisées pour comptabiliser les succès, on remercie néanmoins TVA Films de rester fidèle au poste et de sortir en DVD cette belle œuvre. On y trouve également des sous-titres en anglais et cinq segments making-of de moins de trois minutes qui s’intéressent à plusieurs aspects de la production. Ceux-ci se répètent un peu, mais ce n’est pas inintéressant, surtout face à la grande quantité d’intervenants interviewés.
Au final, bien qu’imparfait, L’amour confirme le talent de Marc Bisaillon comme un cinéaste attentionné et trop rare. Loin d’être le meilleur dialoguiste, il sait néanmoins comment construire une histoire aussi nécessaire que pertinente et son troisième long-métrage le rappelle avec des moments particulièrement hantant et plusieurs performances très inspirées qui équilibrent les autres écarts plus discutables. Un film à voir sans mal.
6/10
L’amour est disponible en DVD via TVA Films dès aujourd’hui.
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