Lancé en grande pompe en 2016, The Division, développé par Ubisoft et ses studios affiliés, permet aux joueurs d’explorer les mystères et d’affronter les dangers d’une ville de New York désertée et infestée à la suite d’une épidémie de variole. Cherchant à porter trop de chapeaux à la fois, le titre est amusant, mais aussi particulièrement clinquant.
Membre d’une unité spéciale secrète appelée The Division, le joueur est appelé en renfort dans la Grosse Pomme: tous les premiers agents spéciaux dépêchés sur le terrain ont été tués ou ont disparu, et les gangs criminels règnent sans partage sur l’iconique métropole américaine. Il en reviendra donc aux nouveaux défenseurs de ce qui reste des États-Unis à renverser la vapeur et rétablir l’ordre.
Sous ses aspects post-apocalyptiques, The Division est à l’image des autres jeux en « monde ouvert » développés par Ubisoft (et par un grand nombre d’autres studios): on accomplit certaines missions qui permettent d’acquérir de l’expérience et de l’équipement plus sophistiqué, avant de se diriger vers de nouvelles zones où la difficulté sera plus élevée, certes, mais où les récompenses potentielles seront également plus importantes. Le modèle a été utilisé de toutes les façons inimaginables, qu’il s’agisse des franchises Far Cry, Assassin’s Creed, ou encore Watch Dogs.
Ici, pourtant, la recette est légèrement différente: outre les divers quartiers du Lower Manhattan, on trouve la fameuse « Dark Zone », une partie de New York qui a été clôturée par l’armée et les services d’urgence avant que ceux-ci n’abandonnent les habitants qui s’y trouvaient encore pour installer des tours de garde et des sas sécurisés à tous les accès encore disponibles. C’est là, dans cet endroit où l’aide se fait rare, où les ennemis sont plus puissants et plus nombreux, que se trouve le butin le plus intéressants: des armes exotiques, des armures et autres moyens de protection sophistiqués, ainsi que des crédits et des points de récompense pour déverrouiller d’autres avantages.
C’est aussi là où l’aspect multijoueur du jeu est le plus présent: en effet, s’il est normalement possible d’effectuer des missions en solo dans le reste de l’île ouverte aux joueurs, la Dark Zone permet aux joueurs de se croiser, histoire de s’entraider, mais aussi histoire de se nuire. En devenant « renégats », des internautes peuvent assassiner leur prochain ou s’emparer des précieuses cargaisons contaminées qui doivent être évacuées par hélicoptère lors d’une séquence généralement haute en couleurs où ennemis artificiels (et parfois bien réels) ont toute la latitude requise pour se précipiter vers le ou les joueurs qui tentent de protéger leur zone d’extraction.
Un jeu réussi… et raté
Il n’y a pas à dire, Ubisoft a réussi son coup avec la Dark Zone. Oui, il existe certains moments de frustration, comme celui où des ennemis apparaissent immédiatement autour de son personnage – merci la génération aléatoire d’adversaires… –, et oui, se faire abattre en quelques secondes par des joueurs renégats ayant définitivement consacré trop de temps à perfectionner leurs méthodes d’assaut peut s’avérer frustrant, mais la combinaison du décor jonché de housses mortuaires, de déchets de toutes sortes, d’épaves de véhicules et de barricades abandonnées depuis longtemps, combiné à l’excitation de se trouver dans un endroit du jeu où tout peut arriver, mais aussi là où le jeu en vaut souvent la chandelle, fait en sorte que s’aventurer dans la Dark Zone est franchement excitant.
Le problème, c’est que lorsque l’on sort de cet endroit pour retourner dans le « vrai » monde, soit une section de Manhattan toujours dévastée par un virus, mais moins soumise à la loi du plus fort, le sentiment de faire partie intégrante d’un univers s’estompe rapidement. Oui, il y a bien une « campagne » solo, soit une série de missions qui permettront, dans certains cas, de faire progresser l’histoire afin d’atteindre éventuellement le niveau 30 et pouvoir enfin disposer d’armes et d’outils, mais l’inconvénient du système de monde ouvert est que le jeu n’exige jamais que les missions proposées soient accomplies dans un ordre spécifique, à l’exception de certains moments où le fait de franchir une étape du scénario donne finalement accès à d’autres endroits auparavant inatteignables.
Pire encore, le jeu aura beau construire une intrigue honnêtement fort intéressante, avec des pistes à explorer et des indices à recueillir pour comprendre l’origine de l’épidémie, on se retrouvera trop souvent à compléter une mission enlevante et particulièrement difficile, où il aura fallu faire preuve d’audace et d’imagination pour vaincre les nombreux ennemis… pour ensuite ressortir de la zone allouée à la mission et se faire bêtement indiquer d’appuyer sur la touche « M » pour ouvrir la carte et choisir une nouvelle tâche à accomplir. Pas de suivi, pas de relance, pas de maintien du rythme de jeu.
Dans cette version fantasmée du combattant solitaire, cette « one man army » capable de supplanter la police et l’armée pour abattre des hordes infinies de barbares rugissants à l’aide de bonnes vieilles armes Made in the USA, on se retrouve donc devant un vide scénaristique quasi-total. Ce qui compte, en fait, ce sont les points d’expérience, les crédits, la puissance des armes, sans oublier les devises « premium » achetées avec des espèces sonnantes et trébuchantes. Des chiffres, des chiffres, et encore des chiffres. Et plus le nombre est élevé, mieux c’est.
Oui, il est plaisant, une fois le calvaire du début de partie terminé, de décimer les bandits et autres malfrats avec des armes permettant de tirer plus vite que son ombre. Et le jeu vaut certainement les 12$ payés dans le cadre de la promotion offerte par Humble Bundle dans le cadre de son offre mensuelle. Mais au-delà du plaisir de vider un chargeur dans le corps du bandit masqué no 49548 et de voir des nombres augmenter à l’écran, The Division offre surtout un grand voyage vers le néant scénaristique. Et non, ce ne sont pas les très nombreux contenus supplémentaires payants qui changeront la donne.
The Division
Développeur et éditeur: Ubisoft
Plateforme: PlayStation 4, Xbox One, Windows (testé sous Windows)
Jeu disponible en français