Dans un banc de neige en bordure d’une piste de motoneige non loin de Schefferville, on retrouve les corps de deux jeunes femmes autochtones. Dépêché sur place, le célèbre inspecteur Émile Morin tentera de résoudre le mystère de Terminal Grand Nord, un roman policier d’Isabelle Lafortune paru aux Éditions XYZ.
Première oeuvre de Mme Lafortune, le polar fait donc voyager les lecteurs dans le nord québécois, région bien souvent oubliée ici comme ailleurs, et véritable terrain de jeu peu ou pas exploré par les créateurs d’aventures policières. À l’image de la fantastique passion d’Henning Mankell pour la campagne suédoise, il était grand temps que l’on s’intéresse de plus près aux régions sauvages du Québec.
Mêler par la suite les relations entre Blancs et Premières Nations et y ajouter un peu de magouille économico-politique était certainement la bonne voie à emprunter, et l’auteure ne s’est certainement pas priée de plonger dans cet univers où la violence, la discrimination, la drogue et le désespoir font malheureusement bon ménage, dans la fiction comme dans la réalité.
En s’appuyant sur ces fondations solides, Terminal Grand Nord s’égare malheureusement en route vers la conclusion de son intrigue sordide. D’abord, en multipliant à l’envi les personnages à un point tel qu’ils finissent tous par posséder des apparences de faire-valoir littéraires. Il y a bien sûr Émile, le policier, dont on pourrait croire qu’il est le personnage principal; mais aussi Giovanni, son ami et auteur connu, dont la narration se déroule à la première personne; il y a Angelune, la fille d’Émile, que l’on suit pendant plusieurs chapitres, et il y a enfin Maude, la ministre des Affaires autochtones, qui a elle aussi droit à sa structure narrative propre.
Ajoutons à cela des chapitres trop courts qui empêchent de s’investir correctement dans les développements narratifs des personnages, mais aussi (et surtout!) des phrases qui se terminent toujours beaucoup trop rapidement. Cette manie de multiplier les points, plutôt que d’aligner les virgules et de donner un peu de complexité à l’ensemble, vient remettre l’ensemble de l’histoire à plat. Sans relief, sans aspérités auxquelles se rattacher, sans atmosphère créée par une ponctuation judicieusement employée, on a parfois l’impression de lire un rapport du coroner. Impossible, dans ces conditions, d’être le moindrement surpris par la révélation à la fin de l’oeuvre, ou d’être attristé par les facteurs qui ont contribué à pousser le tueur à commettre ses crimes. Il ne reste, de ce Terminal Grand Nord, qu’une impression d’avoir un peu manqué le bateau – ou le train, dans ce cas-ci. Fort heureusement, le Nord est vaste, et il sera certainement possible de retourner y résoudre des crimes d’ici peu.
Anaïs Nin se dévoile davantage dans les textes inédits d’Auletris
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