Entre danse et performance, c’est avec le corps que s’exprime Jan Martens, le sien ou celui d’autres artistes pour lesquels il conçoit ses spectacles. Pour trois soirs seulement, l’Usine C présente un double programme: BIS, un solo ou presque, conçu pour la danseuse Truus Bronkhorst, et Ode to the Attempt où le chorégraphe se met en scène lui-même.
Truus Bronkhorst semble être un homme lorsqu’elle apparaît sur scène dans le chaos d’une musique assourdissante pour tracer des phrases à la craie sur le sol: « Stay… Leave… Come back… » Après avoir été transportée comme un corps mort sur toute l’étendue de la scène, elle retire ses survêtements dans le silence apaisant qui s’installe.
La première séquence ne dure que quelques minutes, et toute la suite semble être la cause douloureuse de la crise du début. Voici la danseuse, revêtue d’un juste au corps noir en dentelles, qui ne masque rien de son âge avancé. Avec l’artiste exposée en hauteur, ce qui ressemble d’abord à de doux gémissements se transforment en cris de douleur, patiemment et lentement prononcés par l’artiste qui tourne sur elle-même au ralenti, dans un clair-obscur qui met l’emphase sur son corps ou sur l’ombre de celui-ci. La répétition des gestes ensuite évoque peut-être le BIS du titre et des lamentations inévitables que rencontre chaque humain au cours de son existence.
Ode to the Attempt est plus explicite, du moins par le titre et la liste des 13 tentatives que Jan Martens prétend proposer aux spectateurs. Face à son ordinateur dont l’écran se projette sur le mur immense du fond de scène, on le voit d’abord frénétiquement ouvrir de multiples fenêtres, répondre à ses courriels, consulter divers sites, son calendrier, prendre des selfies…
Puis, sur une page Word, il note devant nous les 13 items de ce que seront ses tentatives pour sa proposition dansée, comme rendre les spectateurs conscients de ce qui arrive, bouger, remercier les morts-vivants, envoyer un message codé à son ex, être classique, minimaliste, provocateur mais rigolo, doux et charmant, terminer sur une fin kitsch…
Inutile de dire que certaines tentatives échouent et cela volontairement. Rien de classique dans la danse de Jan Martens; la séquence minimaliste sur une musique sérielle est en revanche très réussie. Jan Martens n’est pas un personnage qui cherche vraiment à être doux et charmant, mais plutôt à déranger. Il est en effet assez drôle dans ses propositions, et la fin est volontairement et totalement kitsch, ce qui boucle le côté à la fois drôle et dérangeant de sa proposition.
BIS + Ode to the Attempt, du 20 au 22 février 2019, à l’Usine C.
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