Lundi dernier, à la Salle Bourgie, avait enfin lieu le concert Tchaïkovski et Tétreault avec l’Orchestre de chambre McGill, sous la direction de Boris Brott. On aura deviné que le Tétreault du titre c’était Stéphane Tétreault, le violoncelliste québécois dont tout le monde parle, encore. Enfin, parce que le concert a dû être reporté de plusieurs semaines pour permettre au soliste invité de guérir d’une blessure à un doigt.
Si j’ai parlé d’une soirée en famille c’est qu’il nous faut savoir que Boris Brott a fait la connaissance de Tétreault quand ce dernier avait 9 ans et qu’il l’a dirigé avec l’OCM quand il en avait 12. De plus, la première œuvre au programme a été composée par le père du maestro, en hommage à la mère de Boris Brott, elle-même violoncelliste. Et, pour finir, lorsque M. Tétreault a accepté de nous offrir un rappel, il s’est comme excusé en disant qu’il nous faisait ce cadeau parce qu’il nous aimait beaucoup. Ce à quoi a répondu une auditrice: nous aussi on t’aime beaucoup! Bon, une fois dites toutes ces belles choses, parlons musique.
Au diable la chronologie conventionnelle, le programme a commencé par l’Arabesque d’Alexander Brott, composée en 1956. Dans cette œuvre riche et expressive, le compositeur n’a cessé de naviguer entre modernité et folklore, entre l’Europe de l’Est et l’occident pressé d’en découdre avec l’académisme musical. Cette alternance des styles est tout indiquée pour mettre en valeur les talents du violoncelliste. Sans surprise, c’est ce dont a pu profiter le public en écoutant et en ressentant l’émotion du soliste constamment connecté avec son instrument, le chef, l’orchestre et le public. On sent chez Tétreault, une sorte de naïveté ou peut-être davantage une pureté d’enfant, pureté qui subsiste chez ce grand musicien devenu adulte.
Par la suite, la Sérénade pour cordes, op. 48, de Tchaïkovski, plus connue du public, a aussi remporté un vif succès. Plutôt économe de ses gestes et jamais grandiloquent, le chef Brott est au service de l’œuvre. À certains moments, quand les parties de l’œuvre sont bien distinctes entre les musiciens à sa droite et ceux à sa gauche, le maestro réussit à établir une sorte de mouvement de balancier qui est plus qu’une illustration de la stéréo : c’est aussi naturel que le ressac et aussi bienfaisant. Petit bémol dans le premier mouvement de cette Sérénade, une attaque pianissimo des violons qui n’était pas bien synchronisée.
Vinrent ensuite les Variations sur un thème de Tchaïkovski, d’Anton Arenski. Là encore, tout se passe bien et j’en profite pour noter que dans plusieurs mouvements des différentes œuvres jouées ce soir-là, Brott avait choisi des tempi rapides et ce furent de bons choix qui permirent aux musiciens de l’OCM d’exploiter davantage leur talent et leur professionnalisme.
Pour conclure la soirée, Stéphane Tétreault est revenu sur scène pour interpréter les superbes Variations sur thème Rococo, op. 33, toujours de Tchaïkovski. La nature de cette écriture musicale a permis au soliste de montrer davantage l’étendue de sa palette musicale et sentimentale. Cette œuvre, on ne peut dire autrement, c’est de la grande musique. Et nous avions sur scène de bons interprètes. Brott était en plein contrôle et Tétreault, si on peut dire, était en pleine expansion, tellement il emplissait la salle de sa maîtrise, de son plaisir et de son abandon. Le rappel est une pratique qui a beau être presque automatique dans les salles montréalaises, on peut dire, cette fois-ci, qu’il était bien mérité. Notre cher soliste nous a donc gratifiés de la Sarabande de la première Suite pour violoncelle seul, de Bach.
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