Au décès du dernier des deux parents, il n’est pas rare de voir des conflits éclater au sein de n’importe quelle famille. Dans La Queen’s, une pièce écrite par Jean-Marc Dalpé, l’enjeu du conflit est un motel situé tout au nord de l’Ontario, perdu dans le froid au milieu des bois sur la route transcanadienne, à près d’une heure de Timmins.
La mère de Sophie et de Marie-Élizabeth vient de mourir. Leurs parents avaient acquis La Queen’s il y a quelque 40 ans, et Sophie s’en est toujours occupée, comme de ses parents d’ailleurs. À présent qu’ils ne sont plus là ni l’un ni l’autre, elle veut poursuivre sa vie avec son compagnon Moussa dans ce lieu qu’elle n’a jamais quitté et qui est comme son enfant. Sa grande sœur, Marie-Élizabeth s’est au contraire enfuie très jeune du grand Nord et a réussi à devenir concertiste, une pianiste renommée qui parcourt le monde des salles de concert et des studios de radio pour réaliser des interviews.
Si Sophie en talons aiguilles et pantalon de cuir adore chanter dans le karaoké de son petit motel, Marie-Élizabeth ne fréquente que les hôtels de luxe et les salles de spectacles prestigieuses.
Tout oppose donc depuis longtemps Sophie et Marie-Élizabeth. Mais le lien d’amour entre sœurs est cependant présent qui rend encore plus douloureuse leur mésentente. Leurs parents ont laissé Le Queen’s en héritage. Sophie veut le conserver alors que Marie-Élizabeth n’en a cure et va s’arranger pour le liquider au plus vite. Plutôt que renoncer à interrompre l’une de ses tournées prestigieuses, Marie-Élizabeth délègue sa fille avocate Caroline qui vit à Montréal pour régler le différend qu’elle a avec sa sœur, sans négociation et en ayant gain de cause.
L’histoire nous projette dans l’univers de ce Grand Nord où il fait couramment autour – 50 degrés et où il ne se passe à peu près rien, mais auquel certains tiennent par tradition ou parce qu’il recèle peut-être des richesses minières non encore exploitées.
Sur fond de ce contexte nord-ontarien, où l’on mêle le français, l’anglais et pour certains des langues autochtones, l’intérêt du récit se situe dans les rapports entre femmes: ceux d’amour et de haine des deux sœurs, ceux aussi que Marie-Élizabeth entretient avec sa fille qu’elle a toujours rabaissée pour pouvoir s’élever.
Mais la pièce, structurée de manière intéressante en nous dévoilant son intrigue peu à peu, est surtout portée par le talent des acteurs et en particulier celui de Dominique Quesnel dans le rôle de Sophie. Si les quatre autres acteurs (Marie-Thérèse Fortin, Alice Pascual, Hamidou Savadogo et David Boutin) sont très talentueux aussi, Dominique Quesnel est toutefois au centre de l’action et se distingue par un débit de parole extraordinaire qu’elle mêle au geste et au chant avec une énergie étonnante.
La Queen’s, du 15 janvier au 23 février 2019 au Théâtre La Licorne
Production: La Manufacture
Texte: Jean Marc Dalpé
Mise en scène: Fernand Rainville