Nous sommes en 1943. Alors que l’Allemagne commence à prendre conscience du fait qu’elle ne pourra gagner la Deuxième Guerre mondiale, d’importantes tractations ont lieu pour négocier une paix séparée avec l’Amérique et l’Union soviétique. Le point d’orgue de ces démarches pourrait être les événements de La paix des dupes, un roman d’espionnage historique de Philip Kerr.
Que ce soit dans le bureau ovale, en compagnie de Roosevelt et d’un professeur de philosophie autrefois espion pour le NKVD soviétique, ou encore à Berlin, dans les officines bombardées des Affaires étrangères, on s’affaire à préparer la Conférence de Téhéran, à laquelle participèrent le président américain, le premier ministre britannique et le dictateur soviétique. Au-delà des apparences de bonne entente entre Washington, Londres et Moscou, toutefois, la méfiance règne. D’autant plus que les récits d’atrocités commises par l’armée rouge sèment le doute et font l’objet d’une campagne de propagande alimentée par l’Allemagne nazie.
En s’appuyant sur les secrets véridiques entourant cet événement déterminant pour l’Histoire, Kerr s’amuse à ajouter ici et là des fioritures, en multipliant les assassinats, les trahisons, les plans d’attentat… Ces tentatives potentiellement meurtrières ont-elles véritablement eu lieu? Ou s’agit-il plutôt d’inventions littéraires?
L’intérêt de l’auteur pour la période sombre de la Deuxième Guerre mondiale n’est plus à démontrer: avec sa Trilogie berlinoise et les autres titres venant précéder ou suivre cet ouvrage phare, Philip Kerr maîtrise clairement son sujet, et n’hésite pas à utiliser ces connaissances pour créer une atmosphère, un monde plausible. Au-delà des simples statistiques sur les affrontements, le nombre de chars produits par chaque camp, ou autres considérations matérielles, Kerr s’intéresse à la psyché des belligérants.
Le hic, avec cette Paix des dupes, parue en 2005 en version originale anglaise en 2005, puis en français en 2007, c’est qu’il ne s’y passe pas grand-chose. On discute, on suppute, on planifie, on manigance, puis lorsque vient le temps d’exécuter ces plans audacieux, l’auteur préfère décrire les événements en « voix off », en les racontant a posteriori par un autre personnage, plutôt que de nous faire vivre les événements en direct. On se serait attendu à quelque chose de plus corsé, de plus vivant, bref. S’il fallait absolument respecter l’histoire avec un grand H, il existait toutefois suffisamment de marge de manoeuvre, plusieurs décennies après les faits, pour nous donner un roman d’espionnage en bonne et due forme, et non pas un hybride de roman d’espionnage et de récit historique dont la pâte ne réussit jamais vraiment à lever. C’est bien dommage!
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