L’heure est aux adaptations modernes de classiques de la littérature. Et qui d’autre que le Barde, William Shakespeare lui-même, pour inspirer les auteurs contemporains? L’écrivain norvégien Jo Nesbo tente sa chance avec une transposition moderniste de Macbeth, dans un roman policier du même nom publié chez Gallimard.
Dans une ville industrielle grevée par la pauvreté, la criminalité et la corruption, Macbeth, policier de son état, tente de naviguer entre l’attrait du pouvoir et la nécessité d’accomplir son devoir. Confronté à la faiblesse de ses proches et à ses propres secrets – notamment, une dépendance à la drogue –, il finira par s’enfoncer, à l’image de la pièce de Shakespeare, dans une spirale de violence autodestructrice et de folie.
Si Macbeth est définitivement une oeuvre qui a toute sa place encore aujourd’hui, avec ses thèmes, justement, de corruption, de quête du pouvoir absolu, du recours à la violence pour parvenir à ses fins, son contexte demeure particulier. Bien entendu, Shakespeare écrivait à propos de ce qu’il connaissait, et il était certainement plus facile, pour lui, d’écrire sur l’époque médiévale que d’imaginer ce à quoi ressemblerait une société moderne à la suite de la Deuxième Guerre mondiale.
Si la violence était bien entendu plus répandue au Moyen Âge, cet aspect de l’oeuvre peut, sans trop de problèmes, être modernisé, ou encore transposé à notre époque. Après tout, la Terre et les sociétés qui l’habitent sont périodiquement traversées par des sursauts violents qui, s’ils n’atteignent pas ou plus l’étape de la guerre totale, peuvent tout de même s’avérer particulièrement meurtriers.
Non, ce qui coince, c’est non seulement la rapidité avec laquelle agit le Macbeth contemporain, mais aussi (et surtout) l’absence totale de contre-pouvoirs. Ces structures sociales et judiciaires qui n’existaient pas vraiment à l’époque médiévale, ou encore durant la période qu’a connue Shakespeare. Pour éviter l’intervention rapide et décisive des pouvoirs fédéraux, voire de l’armée, on nous mentionne, au passage, que l’orgie de violence se déchaînant dans la ville n’est pas suffisamment dantesque pour attirer l’attention des autorités. Idem pour les journalistes, ce fameux « quatrième pouvoir ». Face aux cadavres qui s’empilent, Macbeth et ses alliés avancent des arguments vides qui ont l’heur de convaincre immédiatement les gens les plus curieux.
Face à ces manquements, l’exercice devient rapidement pénible, malgré l’idée relativement originale de transposer Macbeth dans un autre contexte. Est-ce aussi un problème de traduction? La version originale est-elle plus entraînante, plus captivante? Dans la langue de Molière, on peine à s’intéresser aux péripéties de nos personnages. S’ils sont minimalement potentiellement intrigants, ils sont assassinés dans les pages suivantes, condamnant le lecteur à endurer des protagonistes unidimensionnels.
Macbeth est donc un exercice de style louable, mais dont le résultat est franchement décevant. Quitte à relire Macbeth, pourquoi ne pas s’adapter à une traduction contemporaine de la pièce originale?
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