Mettant leur notoriété de côté, ou presque, Adib Alkhalidey et Julien Lacroix ont eu la folle et stressante envie de se lancer dans le vide et de s’offrir tout un défi: faire un long-métrage par passion et non par moyens. Le résultat, intitulé Mon ami Walid, était présenté au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts mardi soir dernier.
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Fort du succès de son court-métrage Viens jouer dehors, qui s’est attribué un beau mérite partout sur son passage, Adib Alkhalidey est ainsi retourné vers ses premières amours, principalement cinématographiques. Lui qui a pourtant dévié vers l’humour là où il s’est certainement fait un beau nom, est retourné vers la vocation qu’il avait d’abord sélectionnée au niveau scolaire.
Le projet est ici marqué par sa forte collaboration avec Julien Lacroix, qu’on propulse en véritable machine à paroles, version mille fois amplifiée de son personnage qu’il accentue toujours plus à chaque année. Et si la complicité des deux est indéniable, l’histoire tourne d’ailleurs autour de l’amitié improbable entre leurs deux personnages liés par le destin, le film se place également entre deux pôles, s’empêchant pratiquement continuellement de se caser et de satisfaire, du moins pleinement.
Dans son désir d’être cinématographique, le film ne s’en laisse pas imposer. La caméra est assurée, il y a de beaux plans, la musique est toujours bien incorporée et malgré quelques angles plus douteux et des détours de montage déchirés entre les bons coups et les trucs qui font grincer des dents, on y ressent un professionnalisme évident qui tire tout de même bien ses ficelles de l’urgence dans laquelle le tout a été créé – financé par le public et reposant sur un budget de peanuts et beaucoup de générosité de ceux devant et derrière la caméra, tout comme de l’entourage des uns et des autres.
Dans son désir d’être humoristique toutefois, ça se corse de façon surprenante compte tenu des ambitions pratiquement trop nombreuses du film. Piégé dans cette impression de capsules web et de websérie dont la majorité des nouveaux venus en humour s’entichent depuis un bon moment déjà, tout comme cette impression d’une succession de sketchs inégaux beaucoup trop longs, le film s’amuse à nos dépens, nous poussant à reconsidérer notre patience.
Dieu merci, la distribution entasse les noms d’importance; ceux-ci permettent d’élever sans conteste le niveau et de raviver l’intérêt, alors que la majorité des savoureuses répliques s’avèrent diluées dans l’espace-temps du reste mal géré. On pense notamment à Sophie Cadieux et Christian Bégin, qui ont un plaisir indéniable à sortir de leurs zones de confort.
On a beau utiliser une prémisse remplie de bonne volonté en voulant traiter avec humour du suicide, mais ce plaidoyer sur l’amitié devient plus dur à regarder au fur et à mesure qu’il avance. Le fait est que son chemin en zigzag manque de finition et de clarté et qu’on s’interroge sur l’efficacité de rire pendant aussi longtemps des gens défavorisés et atteints de problèmes mentaux pour, au dernier tournant, vouloir soudainement changer les mentalités en nous poussant à s’intéresser à la cause au lieu de seulement s’en moquer (Bell s’est d’ailleurs associé sans problème au film).
Atteint de cette dureté et de ce pendant dramatique, le résultat éphémère s’avère donc moins ludique qu’un projet comme Émilie, plus léger et concret qu’un Les scènes fortuites, mais trop souvent ridicule pour croire concrètement à sa finale qui semble miroiter One Flew Over the Cuckoo’s Nest sans qu’on l’ait demandé.
Le talent toutefois est bien là et le désir de créer et de se faire entendre a bel et bien été reçu. Il faudra donc leur donner le temps de pleinement accepter l’assurance qui doit venir avec le talent pour leurs permettre de s’accorder la pertinence d’offrir un véritable long-métrage appuyé sur un scénario solide allant au-delà de la simple succession de tableaux humoristiques multipliant les cameo. Pour le reste, on gardera les quelques sourires que le film nous aura dérobé ici et là avec un bonheur non négligeable, l’enthousiasme d’ensemble étant trop fort et sincère pour être carrément boudé.
5/10
Mon ami Walid continue sa tournée québécoise en présence de ses géniteurs jusqu’en février. Pour la liste des représentations et des billets, vous pouvez visiter le www.monamiwalid.ca
D’ici-là, si le film se trouve un distributeur, il pourrait avoir droit à une nouvelle vie en salles.