Rien de plus facile que de faire des prévisions en début d’année… surtout si on se garde bien de rendre des comptes 12 mois plus tard.
Mais dans l’information scientifique, on dispose d’un avantage: il y a beaucoup de choses qui évoluent si lentement qu’on ne prend parfois pas un gros risque en disant que, « cette année, ça va probablement aboutir ».
1) Origines humaines: la bousculade
Les découvertes des dernières années vont continuer de faire des petits en 2019 et de complexifier le portrait. Entre les fossiles chinois qui font reculer la date d’arrivée là-bas de notre lointain cousin Homo erectus et les recherches en cours en Indonésie qui pourraient jeter un éclairage nouveau sur le mystérieux Hobbit de l’île de Florès, sans compter les tout aussi mystérieux fossiles d’Homo naledi qu’on continue d’étudier en Afrique du Sud.
Et en parallèle à tout cela, la promesse d’autres percées sur les gènes de nos cousins Néandertaliens et Dénisoviens… voire d’un « fantôme » dont on ignorait encore tout. Les amateurs de préhistoire seront ravis.
2) Biodiversité: ça va mal
Celle-là est de loin la plus facile des prédictions. De quelque côté qu’on observe la biodiversité, les indicateurs sont majoritairement au rouge. Une équipe d’une vingtaine d’environnementalistes et de futurologues vient de publier sa synthèse annuelle des « tendances émergentes », susceptibles d’avoir un impact qui soit mesurable dès cette année. La fonte des glaces de l’Antarctique par exemple, modifie peu à peu la salinité de l’océan tout autour, au point de tuer les créatures qui vivent au fond de l’eau. À l’autre bout du monde, les créatures marines qui vivent entre 200 et 1000 mètres de profondeur commencent à sentir l’impact des nouvelles technologies et des changements de pratique des pêcheurs, qui avaient jusqu’ici relativement épargné cette zone dite « mésopélagique » (en gros, la zone à partir de laquelle la lumière ne pénètre plus).
Pendant ce temps sur la terre ferme, la demande croissante pour une « agriculture durable » met de la pression sur les généticiens, capables — peut-être — de lancer une nouvelle révolution verte en jonglant avec les bons gènes au bon endroit. La technologie permet, d’année en année, de cibler avec de plus en plus de précision, et c’est une des rares tendances où l’impact sur la biodiversité, positif ou négatif, est impossible à prévoir.
À lire: l’article complet, dans Trends in Ecology and Evolution, 1er janvier
3) La Chine, première puissance scientifique
Si ce n’est pas en 2019, ce sera en 2020 que la Chine deviendra le pays qui dépense le plus dans le monde en recherche et développement. Bien que le pays, note Nature dans son bilan de fin d’année, soit encore derrière les États-Unis en terme de contrôles de qualité, il fait des efforts notables pour s’ajuster et se conformer aux normes internationales afin d’être reconnu comme un partenaire à part entière.
4) Les retombées du désastre génétique de novembre
Aux dernières nouvelles, le chercheur responsable de cette débâcle, He Jiankui, était en résidence surveillée et le gouvernement chinois n’avait pas fait mystère de son mécontentement d’avoir été mis dans l’embarras sur la scène scientifique internationale. D’autres chercheurs chinois y penseront à deux fois avant de faire une autre expérience de manipulation génétique sur des embryons. Mais la question reste entière: si ça devient possible, qui prendra les devants pour le réglementer?
5) Moins de bébés avec des maladies génétiques?
En attendant, il est possible qu’en 2019, on commence à mesurer une diminution du nombre de bébés nés avec des maladies héréditaires, alors que les tests d’ADN offerts aux futurs parents vont se multiplier dans certains pays. C’est-à-dire ces tests qui permettent de savoir si le père ou la mère est à risque de transmettre un gène comme celui de la fibrose kystique.
6) Plus de recherches sur le cannabis
Au Canada, nombre de chercheurs sont aux anges depuis la légalisation du cannabis. Pas parce qu’ils rêvaient d’en fumer, mais parce que la légalisation s’est accompagnée du lancement d’un grand nombre de projets de recherche sur son impact, ainsi que sur la culture de cette plante. Recherches qui étaient, par la force des choses, plus difficiles à mener auparavant. Dès 2019, il faut s’attendre à voir des premiers résultats.
7) Les retombées du Plan S
Il y a plus d’une décennie qu’on croit régulièrement, à tort, être arrivé au point de basculement pour l’édition scientifique: c’est-à-dire le moment où suffisamment de chercheurs accepteront de publier en « accès libre », plutôt que dans des revues qui ne sont accessibles que par de coûteux abonnements. Chaque fois, la résistance des éditeurs, pour qui il s’agit d’un marché très lucratif, mais aussi la résistance des chercheurs, qui ne sont pas prêts à sacrifier la notoriété associée à ces revues, a fait reculer l’échéance. Or, en septembre dernier, 11 organismes subventionnaires dans autant de pays européens ont annoncé un plan — le plan s — visant à rendre, d’ici deux ans, toute la recherche scientifique financée par leurs soins, accessible gratuitement dès sa publication. Le mouvement pourrait s’accompagner d’un véritable déplacement de plaques tectoniques: l’abandon progressif du « facteur d’impact » — le nombre de fois qu’une recherche et une revue sont cités — comme critère principal, voire exclusif, pour évaluer la « performance » d’un chercheur.
8) Premiers pas vers la géoingénierie
Le terme restera toujours aussi controversé en 2019 que dans les années 2000, quand on a tout doucement commencé à l’évoquer — cette possibilité de « jouer avec le thermostat de la planète » dans le but de ralentir le réchauffement. Mais controversé ou pas, il est possible que les scientifiques américains derrière la Stratospheric Controlled Perturbation Experiment obtiennent l’autorisation d’une première expérience à petite échelle: répandre dans la stratosphère des panaches de 100 grammes de particules ressemblant à de la craie, afin d’observer comment ils se dispersent. En théorie, répandus à (très) grande échelle, de tels panaches réduiraient la quantité de rayons du soleil qui atteignent la Terre, ralentissant du coup le réchauffement climatique. Mais il subsiste plusieurs questions en l’air, c’est le moins qu’on puisse dire.
9) Des ondes gravitationnelles tous les mois
Il avait fallu un siècle avant de détecter nos toutes premières ondes gravitationnelles, en 2015. À présent, l’observatoire LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory), qui se prépare à se lancer dans une troisième vague d’observations, prévoit qu’on pourrait en détecter des nouvelles à peu près tous les mois. Elles ne sont pas juste des perturbations de l’espace-temps provoquées par des événements aussi lointains que violents: elles pourraient devenir un outil pour détecter des phénomènes astronomiques actuellement invisibles aux yeux des télescopes ou inaudibles aux oreilles de la radio-astronomie.
10) Les fausses nouvelles en science et en santé
Cette prédiction est-elle aussi facile: en 2019, les climatosceptiques, les anti-vaccins et même les partisans de la Terre plate, ne lâcheront pas le morceau. Reste à voir si le « facteur d’impact » des médias crédibles, des journalistes scientifiques et des vérificateurs de faits, pourra être augmenté.
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