On dit qu’il n’y a pas d’amis en affaires, mais si on se fie à la première saison de la télésérie Succession, disponible depuis peu en Blu-ray, DVD et vidéo sur demande, la famille n’y a guère plus de place.
Le jour de son 80ème anniversaire, Logan, le patriarche de la famille Roy et président de Waystar Royco, le cinquième plus gros conglomérat médiatique de la planète, est victime d’un accident vasculaire cérébral. En véritable bourreau de travail, il prend congé de l’hôpital et retourne au boulot sans avoir complètement terminé sa convalescence, mais rapidement, les membres de sa famille, qui sont aussi sur le conseil d’administration, s’aperçoivent qu’il n’a pas toute sa tête. Impatients de lui succéder, deux de ses fils sautent sur l’occasion pour fomenter un putsch et éjecter leur propre père de la compagnie, mais tout ce qu’ils réussiront à provoquer, c’est une chicane aux proportions épiques, et une chute phénoménale des actions, qui pourrait bien tous les mener à la faillite.
Même si son intrigue prend place au sein d’un conglomérat médiatique et qu’elle effleure les transformations affectant le monde des médias traditionnels et les liens, parfois incestueux, entre les groupes de presse et les politiciens, Succession s’avère beaucoup plus proche d’un téléroman classique, mettant en scène la misère des « pauvres riches », que du Newsroom d’Aaron Sorkin. Créée par Jesse Armstrong, la série donne l’impression de regarder un accident de voiture au ralenti, mais comme la famille Roy est constituée entièrement de gens cupides, lâches, traîtres, mesquins et qui sont, en très large partie, les artisans de leurs propres malheurs, il est assez difficile de compatir avec la souffrance de personnes aussi méritantes.
Véritable exploit scénaristique, aucun personnage n’est sympathique ou attachant dans Succession. Du patriarche (interprété par un Brian Cox mercurien) utilisant ses propres médias pour salir sa progéniture en passant par ses quatre enfants trop gâtés et dysfonctionnels (Jeremy Strong, Sarah Snook, Alan Ruck, Kieran Culkin) ou l’opportuniste troisième épouse (jouée par Hiam Abbass), personne ne voudrait faire partie de cette famille odieuse, qui semble calquée sur celle du magnat Rupert Murdoch. Matthew Macfayden livre un beau-frère à la fois ambitieux et sans colonne qui surprendra tous ceux qui l’ont vu dans Ripper Street, et on compte également la participation de vétérans, comme James Cromwell et Eric Bogosian, au sein de la distribution.
Très cinématographique, la réalisation de Succession est beaucoup plus soignée qu’un téléroman, et bien que l’intrigue prenne place dans des tours à bureaux, des chambres d’hôpital, des résidences cossues ou des galas luxueux, la série propose son lot de séquences mémorables, dont une mascotte vomissant par les yeux de son costume, un homme se masturbant contre la baie vitrée de son bureau tout en haut d’un gratte-ciel, ou un employé regardant une vidéo corporative de Waystar Royco qui explique comment la compagnie valorise la diversité au sein de l’entreprise, alors qu’il n’y a que des hommes blancs dans la cinquantaine qui sortent de la salle de réunion voisine. Des dialogues souvent vitrioliques complètent cette production cynique, et définitivement adulte.
L’édition haute définition de Succession: The Complete First Season inclut les dix épisodes d’une heure chacun sur trois disques au format Blu-ray, et s’accompagne également d’un code pour télécharger une copie numérique. On ne retrouve qu’un seul et unique document en guise de matériel supplémentaire sur le disque, soit une revuette d’une dizaine de minutes explorant les coulisses du mariage de Shioban, la fille des Roy, qui s’étend sur les deux derniers épisodes de la saison.
Bien jouée et magnifiquement réalisée, Succession demeure quand même une sorte de Dynasty du 21ème siècle, et malgré sa grande qualité, cette production dépeignant les malheurs de gens qui ont trop d’argent pour leur propre bien séduira surtout les amateurs de téléromans.
7/10
Succession: The Complete First Season
Réalisation : Adam McKay, Mark Mylod, Adam Arkin, Andrij Parekh, Miguel Arteta, S.J. Clarkson
Scénario : Jesse Armstrong, Tony Roche, Jonathan Glatzer, Anna Jordan, Georgia Pritchett, Susan Hoon He Stanton, Lucy Prebble, Jon Brown
Avec : Brian Cox, Jeremy Strong, Alan Ruck, Sarah Snook, Matthew Macfayden, Nicholas Braun et Hiam Abbass
Durée : 600 minutes
Format : Blu-ray
Langue : Anglais, français, espagnol et portugais
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