La démocratie a fait du surplace en 2018, indique un récent rapport publié par le magazine spécialisé The Economist. L’étude, qui en est à sa 11e édition annuelle, précise toutefois qu’une plus faible proportion de la population vivait au sein d’un régime démocratique en 2018 que l’année précédente.
Le document, intitulé Democracy Index 2018: Me Too?, précise qu’un peu moins de la moitié de la population mondiale vivait dans un pays démocratique l’an dernier (47,7%), en recul d’environ deux points de pourcentage. Si l’on évoque plutôt les pays « totalement » démocratiques, la proportion chute très fortement, pour s’établir à 4,5%.
De l’autre côté du spectre, un peu plus du tiers de la planète vivait sous un régime autoritaire, une vaste proportion étant représentée par la Chine.
Au total, seuls 20 pays sont considérés comme « pleinement » démocratiques, contre 55 démocraties « amoindries » et 39 « régimes hybrides ».
Selon The Economist, la notion de participation politique est à surveiller, pour 2018, puisqu’il s’agit du seul des cinq indicateurs examinés qui a enregistré une progression. Cette progression fut telle, d’ailleurs, qu’elle permis d’enrayer l’érosion de l’indice de démocratie, une première en trois ans. Partout dans le monde, les citoyens s’impliquent davantage dans la vie politique et sont généralement plus nombreux à voter, par exemple. Seul le Moyen-Orient a enregistré un recul sur ce plan, l’an dernier. Pour les spécialistes, il s’agit là de la suite des répercussions du printemps arabe de 2011, qui a précipité, bien souvent, le durcissement des régimes autoritaires déjà en place ou l’arrivée de nouveaux gouvernements peu enclins à favoriser l’autodétermination des peuples.
« Les résultats indiquent que les électeurs de partout dans le monde ne sont pas désintéressés de la politique, mais sont plutôt clairement désillusionnés par rapport aux institutions politiques formelles, ce qui ne les a pas empêchés de passer à l’action », lit-on dans le rapport. Et si la représentativité politique des minorités a stagné, davantage d’adultes disposent d’un niveau de littératie plus élevé, l’un des facteurs de l’engagement politique, et le membership des partis politiques s’est accru. Idem pour les manifestations légales, qui se sont multipliées, même dans des régions où la population est désillusionnée par rapport à la classe politique.
Gouvernements dysfonctionnels
Ce renouvellement des mouvements de protestation pourrait entre autres s’expliquer par la stagnation de l’indice de perception du niveau de fonctionnement du gouvernement, celui-ci fluctuant entre 4,7 et 5 sur une échelle de 10, 10 étant la meilleure mesure possible. Comme le précise The Economist, cet indice n’a jamais fortement grimpé, ni fortement diminué depuis le début de la parution des rapports de cette série, il y a 11 ans. Parmi les autres indices, la notion de libertés civiles a pris du recul depuis le début des mesures, avec une baisse plus accentuée depuis 2016, puis une certaine stabilisation l’an dernier.
De son côté, c’est donc la participation politique qui enregistre des gains, tandis que les notions liées au processus électoral et au pluralisme, ainsi qu’à la culture politique, sont demeurées stables toutes ces années, tout en étant mieux « cotées » que le « bon fonctionnement du gouvernement ».
Pour The Economist, il existe un risque bien réel que des leaders autoritaires saisissant à bras-le-corps le problème de la désillusion envers la démocratie en profitent pour prendre le pouvoir et ainsi saper les libertés démocratiques. Il existe aussi la possibilité que les institutions politiques soient renforcées, et que les gouvernements s’attaquent aux questions de transparence, d’imputabilité et de corruption. Vaste programme, reconnaissent les experts s’exprimant dans le rapport.
Que les électeurs d’ici se rassurent: le Canada est encore considéré comme une démocratie à part entière, se classant au sixième rang des pays examinés par The Economist. Quant au voisin du Sud, avec son 25e rang, il est classé comme « démocratie amoindrie ». Nul doute que les profondes divisions politiques, les inégalités sociales et économiques, ainsi que les deux premières années du mandat du président Donald Trump y sont pour quelque chose.
Le pays de l’Oncle Sam fait tout de même mieux que la France (29e), ou encore l’Italie (33e), mais moins bien que l’Allemagne (13e), ou encore le Royaume-Uni (14e).
Quant aux pays semblant avoir les faveurs du locataire de la Maison-Blanche, ils se retrouvent tous très loin de la tête du classement: la Turquie, qualifiée de régime hybride, est classée 110e au monde. La Russie est 144e, un peu plus bas que la Chine, en 133e position. Quant à la Corée du Nord, elle fait partie des pires exemples en matière de démocratie sur la planète, avec une absence totale de processus électoral et de pluralisme, et aucune liberté civile, toujours selon l’indice d’évaluation de la vie démocratique. Comme quoi, si le courant passe entre Donald Trump et les dictateurs, on ne peut pas dire que cela a poussé ces tyrans à modifier leurs façons de faire.