Rare réflexion en français sur la littérature autochtone, Nous sommes des histoires, paraissait cet automne chez Mémoire d’encrier. Traduits de l’anglais (américain et canadien) par Jean-Pierre Pelletier, les quinze textes qui constituent cet ouvrage ont été recueillis et retenus par Marie-Hélène Jeannotte, Jonathan Lamy et Isabelle St-Amand.
Ces trois habitués de la littérature ont fait le constat suivant: il est bien ardu de trouver des textes critiques ou théoriques sur la littérature autochtone francophone. Ceux contenus dans cette anthologie, malgré qu’ils aient été écrits en anglais, ont été choisis pour leur pertinence dans le contexte québécois.
Ces quinze textes, même s’ils s’intéressent tous, de plus ou moins près à la littérature, sont passablement variés, dans le fond comme dans la forme. J’en prends comme exemple, d’une part, le texte de Drew Hayden Taylor qui relève davantage du récit que de la théorie littéraire. Son auteur nous raconte l’essor presque fulgurant du théâtre autochtone au Canada à partir des années 1970. D’autre part, à l’opposé du spectre, je retiens l’extrait très touffu de Manifest Manners: Narratives on Postindian Survivance, dont voici une citation:
« L’herméneutique du trickster est l’interprétation des simulations dans la littérature de la survivance, l’ironie des origines et du racialisme, de la transmutation, du troisième sexe et des thèmes de la transformation dans les histoires de la tradition orale autochtone et les récits écrits. »
Je ne saurais dire si cet ouvrage permettra à des professeurs de littérature et à des étudiants de s’appuyer sur une véritable théorie littéraire, mais il ouvre de nombreuses voies de réflexion, il stimule le discernement. Ce qui est le plus évident dans cet ouvrage, c’est la multitude des façons d’appréhender l’histoire et la survivance des peuples des Premières nations sur l’Île de la tortue, l’Amérique du Nord. Combien de nations ont existé et existent encore sur le territoire des États-Unis ou du Canada ? Dans l’histoire récente, doit-on parler de littérature post-colonialiste, de littérature post-indienne ou ni un ni l’autre ? Ce qui permet la survivance de la culture des Premiers peuples, est-ce la prolongation de la tradition orale, le réapprentissage de la langue des ancêtres, la redécouverte des racines, la fin des pensionnats?
Chose certaine, le conte, le roman et le théâtre autochtones se distinguent de la littérature occidentale dite dominante par sa structure narrative qui n’a pas besoin de conflit pour exister. Rien que cela, et le lecteur ou le spectateur sont face à une expérience, nouvelle, différente et suscitant la curiosité.
Ce livre s’intéresse particulièrement à la littérature, mais la variété des textes nous offre un tour d’horizon de l’histoire et de la contemporanéité des Premiers peuples d’Amérique du Nord. À ne pas réserver aux seuls étudiants ou enseignants en littérature.