L’application par taches chez Vincent Van Gogh (1853-1890) et la multitude de personnages détaillés chez Jheronimus Bosch (1450-1516) ont un microcosme en commun. Cet effet troublant et stagnant de la peinture néerlandaise semble intrinsèque à cette culture située entre la campagne et la mer.
Au premier abord, la ville de Maastricht traversée par la Meuse renvoie l’impression d’appartenir à la France, à l’Allemagne ou à la Belgique. Sa partie médiévale se compose de rues étroites le long de petites maisons collées formant des couloirs courbes qui s’entrecroisent pour mieux avaler le promeneur. Les détails coquets des devantures créent diversion, le temps d’oublier que la proximité des façades empêche de voir les clochers ou autres monuments en hauteur permettant de se situer entre le fleuve et la périphérie. Les tronçons de forteresse, les places publiques et les canaux aiguillent notre boussole, de même que la maquette de la ville en 1748 au Centre Céramique.
À l’aube, je venais de m’attabler avec un espresso quand le boulanger du moulin à eau Bisschopsmolen m’a offert de me montrer comment il lance cet engin du siècle passé. «La bâtisse date du 11e siècle, mais d’après la façon dont la roue est assemblée elle date de la période de la construction de la tour Eiffel», affirme-t-il. À l’aide d’une grande manivelle, il ferme la première digue pour diriger le débit de l’eau vers la digue de la grande roue qu’il ouvre par la suite. «Je ne l’ouvre pas au complet parce que ça peut aller très vite», me dit-il, même si le canal semble inoffensif. Il ne ferme pas la deuxième digue au complet.
Parmi plusieurs autres qui ont été démontées, la pose de la roue à cet endroit est postérieure au creusement du canal qui alimente le moulin en eau. Le boulanger m’explique que ce réseau occupait la double fonction de consommation et d’égouts. «Lors d’une invasion, les gens s’enfermaient à l’intérieur de la ville fortifiée. L’envahisseur qui avait compris ce système n’avait qu’à attendre que les gens s’empoisonnent»,m’explique-t-il. La solution est venue des moines qui ne buvaient que de la bière puisque la transformation de l’eau les préservait de la contamination.
La roue en marche, le boulanger retourne à ses fourneaux et j’achète un sac de petits pains.
Coupole
Détonnant par un duomo contemporain métallique qui ressemble à une balle de fusil, l’architecte Aldo Rossi (1931-1997) a muni le Bonnenfantenmuseum d’un magnifique bâtiment industriel visible des ponts qui enjambent la Meuse, dans le nouveau quartier Céramique.
Trahissant la prochaine exposition par un plancher recouvert d’un motif en zigzag noir et blanc à l’intérieur d’un puis de lumière, la dame à la billetterie m’a donné un billet pour une autre visite dans l’attente de Someone is in my house de David Lynch présentée du 30 novembre 2018 au 28 avril 2019. La collection du musée est composée de statuettes en bois, d’objets en céramique et autres œuvres religieuses. L’atelier de conservation et de restauration SRAL est ouvert au public derrière une grande fenêtre.
Plusieurs artistes ont formulé une réponse contemporaine à cet héritage classique, notamment les représentations de la madone et l’enfant enveloppées de papier d’aluminium coloré d’Edward Lipski et la murale brodée en guise de tapisserie de Grayson Perry. Exorbitée, l’installation de István Csákány, Ghostkeeping (2012) reconstitue entièrement en bois une chaîne de montage d’une fabrique de textile et le produit de la force du travail. Les vêtements drapent des silhouettes qui discutent à côté de la structure.
L’artiste Stanley Donwood a fait de la coupole son canevas pour créer Optical Glade (2017) faisant écho à une œuvre antérieure de land art. Les visiteurs sont invités à s’étendre sur des coussins afin de contempler cette peinture en noir et blanc renvoyant l’impression optique d’être entouré d’arbres au cœur de la forêt. Variant entre deux bandes alternant les plus hautes et les plus basses fréquences aux limites du champ auditif, Subterranea v3 (2017) composé par le chanteur Thom Yorke ajoute une dimension sonore à l’expérience.
Au Museum aan het Vrijthof, celui qu’on qualifierait de photographe célèbre de la province de Limbourg, Guy van Grinsven, a droit à une rétrospective de sa carrière éclectique jusqu’au 13 janvier 2019. Connu pour avoir découvert que Miss Hollande 1985 avait posé nue, ce qui disqualifiait Pasquale Somers pour ce titre, ce photographe a immortalisé les gens de sa région, le couple royal, un atelier de teinture à ciel ouvert en Inde et s’est trouvé à Manhattan le 11 septembre 2001. Tel un réflexe, il a sorti son appareil et capté les réactions.
Près de la place du Vrijthof, sur la Dominikanerkerkstraat, l’église gothique des Dominicains construite en 1260 abrite aujourd’hui une librairie et un café. Clin d’œil à la réforme protestante?
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