Située au cœur de trois sommets, la capitale de l’Écosse est truffée de lieux artistiques parmi ses étendues vertes réfléchissant la luminosité d’un climat pluvieux.
Au centre, le château occupe un sommet. Son éclairage nocturne renvoie l’impression d’être suspendu dans l’obscurité. « Lors d’une invasion, les gens sortaient dans la rue et montaient la pente jusqu’au château, puis on levait le pont », explique une propriétaire âgée d’une boutique de souvenirs qui vend des poignards avec manche en bois de cervidé fait à la main.
« Ils ne peuvent pas toucher à la structure, ils réaménagent l’intérieur, mais l’extérieur doit rester intact », répond-elle pour expliquer la noirceur des pierres et le recouvrement naturel d’une couche de mousse sur certaines parties des bâtiments. De chaque côté de la rue principale menant à la forteresse, les architectures datant de quelques siècles se déclinent en de multiples niveaux.
Sorte de Belgo édimbourgeois, le Summerhall souligne un retour aux années 1980 par l’exposition 1981: girls in subcultures. À la recherche de femmes skin, mod, punk, rockabillie, new romantic et rasta, la photographe Anita Corbin a sillonné les clubs, les pubs, les cercles d’amis, bref, les lieux où se tiennent les jeunes pour discuter de politique, de musique et de mode. La décennie se referme deux étages plus haut avec l’exposition Street Hermit de l’artiste Graeme Todd qui s’est démarqué à compter de 1989. Combinant dessin et peinture, ses paysages ressemblent à des fragments de mémoire.
Au City Art Center, les clichés de scènes de rue et de la vie étudiante pris par Robert Blomfield pendant ses études en médecine à la University of Edinburgh dans les années 1950 et 1960 sont exposés, de même que les aquarelles et peintures du peintre Edwin G. Lucas (1911-1990) qui a étudié en droit pour éviter les risques d’une carrière artistique. Tenté par le surréalisme, le paysagiste a baigné dans l’abstraction. À The Fruitmarket Gallery de l’autre côté de la rue, deux installations contemporaines de l’artiste Emma Hart abordent les conflits familiaux et l’espace privé dans l’espace public de l’habitacle de la voiture, avec la céramique.
À la National Gallery of Scotland, il faut s’armer de patience devant une collection composée essentiellement d’œuvres classiques. Pourquoi ne pas se diriger directement au fond, monter au deuxième étage et contempler les quelques tableaux captivants, dont The Quarrel of Oberon and Titania (1849-50) de Sir Joseph Noel Paton (1821-1901)?
Double galerie
À l’écart du centre, la Scottish National Gallery of Modern Art se divise en deux domaines avec terrain gazonné.
Avec Now, l’artiste multidisciplinaire Monster Chetwynd s’est carrément approprié le rez-de-chaussée de la première galerie de son univers fantaisiste. À l’entrée, le Reverent Corridor (2018) inclut le collage d’images en couleur et en noir et blanc qui tapissent les murs incluant Crazy Bat Lady 5 (2018) et comprenant 18 impressions des gravures de Francisco de Goya (1746-1828) encadrées et alignées au milieu des murs. Ainsi, le va-et-vient dans ce corridor chargé de référents conduit le visiteur à faire des comparaisons visuelles. L’exposition se referme sur une série de petites peintures mettant en vedette les chauves-souris et les tracés célestes de leur envol massif.
À la seconde galerie, le Pop art est abordé avec brio par le jumelage des artistes Eduardo Paolozzi (1924-2005) et Andy Warhol (1928-1987) saccadant l’érotisme fameux par une conception robotique de la représentation. L’icône de l’artiste moins connu se fracasse par la recréation du studio londonien, la sculpture en acier inoxydable du dieu Vulcan (1999) mesurant deux étages installée dans le café et les Cleish Castle Ceiling Panels (1971-73) couleur aluminium encastrés dans le plafond.
La sculpture Wretched War (2004) de l’artiste Damien Hirst nous prend dans le détour de la cage d’escalier. S’inspirant de l’idée de corps modèle de la sculpture La petite danseuse de quatorze ans (1880) d’Edgar Degas, cette fois le corps est enceinte et s’émiette en morceau afin de critiquer l’invasion de l’Iraq par une coalition de forces militaires.
Magritte, Dalí, Giacometti, Tanguy, Miró : les entrailles de la galerie couvent toute une gamme d’œuvres surréalistes. La bibliothèque adjacente abrite l’exposition Machine Gods : Art in the Age of Technology jusqu’au 2 juin 2019. Antérieur au transhumanisme, le traitement du rapport entre l’humain et la machine amène à remettre en question la normalité que les génies de la Silicon Valley cherchent à transcender.
Observatoire
Second sommet de la trinité, la colline de Calton Hill se caractérise par une tour, des monuments rappelant la Grèce antique et un observatoire astronomique.
Au lieu de se cogner le nez sur des bâtiments fermés, les visiteurs bénéficient désormais d’installations artistiques, de tours guidés créatifs, d’un atelier de bricolage, d’une boutique et d’un café grâce à l’organisation Collective. «C’est tellement bien de voir des gens visiter l’exposition! », s’exclame l’une des membres à l’inauguration. À la suite de longues démarches auprès de la ville, les autorités ont permis à ce groupe d’artistes d’aménager et d’investir les lieux.
La robustesse de l’urbanisme d’Édimbourg ne serait pas complète sans un volcan éteint en bordure de la ville. Une randonnée au Holyrood Park est incontournable pour avoir un avant-goût des paysages montagneux en périphérie et ultimement des Highlands à couper le souffle. Les arbustes de chardon y poussent, boule d’épines coiffée d’une fleur mauve et emblème du peuple écossais.
Sur les cimes venteuses, les chances de voir un arc-en-ciel entourer le port de Leith à l’horizon, lieu de tournage du film Trainspotting (1996), sont plus probables que d’apercevoir un des nombreux lapins sortir de son terrier.
World Press Photo 2018: les images coup de poing qui ont fait l’année 2017
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