Il y a de ces jeux qui tentent de bâtir quelque chose, mais qui ne possèdent clairement pas les moyens pour y parvenir. Homefront, jeu de tir à la première personne sorti en 2011, fait partie de cette catégorie.
Après la mort de Kim Jong-il et l’accession au pouvoir, en Corée du Nord, de Kim Jong-un, le régime dictatorial profite d’une grave crise économique liée à une guerre majeure au Moyen-Orient pour prendre de l’expansion, et éventuellement envahir les États-Unis après avoir utilisé une arme électromagnétique pour paralyser le réseau électrique américain.
Le joueur y incarne Robert Jacobs, ancien pilote d’hélicoptère que les forces nord-coréennes souhaitent enrôler de force dans leur armée de l’air. Envoyé en direction d’un camp de concentration installé dans une petite ville du Montana, il sera rapidement libéré par la résistance. Commence alors une série de missions toujours plus audacieuses et désespérées pour tenir les envahisseurs en respect et éventuellement rejoindre ce qui reste de l’armée américaine pour lancer la reconquête du pays de l’Oncle Sam.
Récupéré dans le cadre d’une promotion quelconque – le jeu a probablement été donné gratuitement par la plateforme Humble Bundle à un moment ou à un autre –, Homefront est clairement une modernisation et une adaptation en jeu vidéo de Red Dawn, le film d’action des années 1980 où les troupes soviétiques, aidées par des Cubains, envahissaient les États-Unis et s’installaient entre autres dans une petite ville du Montana. Cette fois, pour faire plus moderne, les méchants Nord-Coréens ont remplacé les méchants Soviétiques et autres sbires communistes. Il aurait lieu d’arguer quant à savoir si les Nord-Coréens sont bel et bien communistes, mais il est certainement permis de douter que la question ait fait l’objet d’un débat chez le développeur, Kaos Studios.
Le fait qu’Homefront ait également eu droit à sa version cinématographique, avec une oeuvre du même nom, et qui n’était là encore qu’une reprise médiocre de Red Dawn, n’aide certainement pas à se débarrasser de l’idée que les développeurs ont agi ici à la va-vite. On aura d’ailleurs pris bien soin d’afficher le nom de l’équipe de football locale, les Wolverines, sur la palissade du stade devenu camp de concentration dans le jeu; les Wolverines étant bien sûr l’équipe sportive dans Red Dawn, mais aussi le nom du groupe de rebelles luttant contre l’envahisseur dans le film original.
Dans Homefront, toutefois, la comparaison et les références s’arrêtent là. Bien sûr, les Nord-Coréens sont dépeints comme des envahisseurs tyranniques n’hésitant pas à torturer et exécuter des hommes, des femmes et des enfants pour faire régner l’ordre. Pendant ce temps, les Américains vivent dans des conditions de misère, victimes d’une économie trop dépendante du pétrole, sans doute. Le jeu établit d’ailleurs, en ouverture, un lien direct avec le retrait des forces américaines du Moyen-Orient et du Pacifique et l’audace géopolitique et militaire de Pyongyang. Comment la Corée du Nord serait tout de même parvenue à réunifier la péninsule coréenne et à conquérir le Japon, nul ne le sait. Mais l’ennemi est là et nous sommes dans un jeu de tir; il faut bien tirer sur quelque chose, après tout.
Pas le temps de reprendre son souffle
S’appuyant sur le moteur Unreal Engine 3, relativement efficace pour l’époque, Homefront se déroule à grande vitesse, dans le cadre de missions tournant quasi-constamment autour de fusillades impliquant les forces nord-coréennes. Il s’agit d’ailleurs là d’une idée intéressante: dans le cadre de ces combats stressants où l’ennemi est toujours en surnombre, on a franchement l’impression de combattre une force d’occupation avec les moyens du bord. Les armes manquent rapidement de munitions, nécessitant de récupérer les mitraillettes des ennemis abattus, le joueur n’a jamais vraiment le temps de souffler… À croire que la pression ressentie par les développeurs s’est transposée en une atmosphère oppressante. Encore mieux, on évite l’habituelle mission d’infiltration qui en fait rager plus d’un.
Ceci étant dit, Homefront souffre de plusieurs problèmes. D’abord, il est trop court. Avec seulement quatre heures pour la campagne solo, on a à peine le temps de commencer à s’attacher aux personnages qu’apparaît le générique de fin. Impossible de savoir si le jeu était conçu pour sa section multijoueurs: sept ans plus tard, la communauté est morte et enterrée, si communauté il y a eu, bien sûr.
Ensuite, en raison de cette campagne trop courte, la question des choix moraux imposés aux personnages, à savoir le sempiternel dilemme sur la nécessité d’être aussi violent et amoral, voire pire, que l’ennemi que l’on souhaite renverser, est trop rapidement évacué du scénario. On avait à peine l’ombre de quelque chose d’intéressant que le tout disparaît dans les explosions de la mission finale sur le Golden Gate.
Homefront aurait pu être bien des choses. Certes, il aurait pu être aussi peu subtil que Spec Ops: The Line, avec sa morale si évidente et son scénario si abracadabrant que l’on en vient à décrocher complètement à mi-parcours, mais il aurait aussi pu être une incursion intéressante sur la guerre asymétrique et la guérilla en milieu urbain.
Malheureusement, Homefront n’est rien de tout cela. Il est condamné à n’être qu’un jeu de tir oubliable, dont la seule gloire est d’être relativement meilleur que sa suite.
Homefront
Développeur: Kaos Studios
Éditeur: THQ
Plateforme: PlayStation 3, Xbox 360, Windows (testé sur Windows)
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