Premier tome d’une prometteuse collection intitulée Les méchants de l’Histoire, l’album Dracula utilise la bande dessinée et l’humour noir pour raconter la vie de Vlad Dracul, l’homme dont le sadisme a inspiré le plus célèbre des vampires.
Au-delà de la littérature et du cinéma, que sait-on vraiment de Dracula? Depuis la parution du roman de Bram Stoker en 1897, la figure historique ayant inspiré le personnage de fiction s’est pratiquement éclipsée pour laisser toute la place à l’iconique vampire dans la culture populaire, mais si le vrai Vlad Dracul régnait effectivement sans pitié sur la Valachie (une région de la Roumanie incluant la Transylvanie) et qu’il avait la fâcheuse manie d’empaler ses ennemis comme ses sujets (ce qui lui valut le surnom peu flatteur d’Empaleur), la monstruosité de l’homme n’avait évidemment rien de surnaturel, et grâce à la bande dessinée Dracula, il n’aura jamais été aussi amusant de départager le mythe de la réalité.
De sa naissance en 1431 à Târgoviște jusqu’à sa mort en 1475, en passant par son enfance trouble, son règne dans une Valachie déchirée simultanément par les luttes fratricides et la guerre contre l’Empire ottoman, sans oublier les nombreux excès de violence qui feront entrer ce tyran sanguinaire dans l’imaginaire collectif, l’album Dracula condense une dose impressionnante de contenu en une soixantaine de pages. Tout en livrant un récit historiquement et rigoureusement exact, la bande dessinée se distingue d’une biographie conventionnelle par son humour particulièrement grinçant. Regardant la dépouille informe de la femme de Vlad Dracul qui s’est jetée du haut d’une tour par exemple, Radu, son frère, déclare: « On m’avait vanté votre beauté, mais cela devait être très exagéré ».
Bien qu’il dessine dans le détail les horreurs de la guerre, les décapitations, le cannibalisme, ou la cauchemardesque forêt de pals contenant plus de 20 000 victimes avec laquelle Vlad Dracul accueillera l’envahisseur turc, l’illustrateur Julien Solé atténue la violence des images par un style graphique rebondi et sympathique, et les turbans ou les minarets peuplant l’album lui donnent parfois l’allure d’un Iznogoud moderne. Solé fait même une référence directe à l’œuvre de Tabary, alors qu’un des prétendants au trône s’écriera: « C’est moi qui devrais être voïvode à la place du voïvode! ». Le livre se conclut sur un dossier de quelques pages contenant des cartes de la Valachie, une courte biographie de Bram Stoker, ainsi que des affiches de film mettant en vedette quelques variations du célèbre vampire.
Nul besoin d’être mordu d’Histoire pour apprécier Dracula, et si les prochains albums (dédiés à Caligula, Robespierre, Torquemada ou Hitler) font preuve d’un humour aussi noir, on a définitivement hâte de lire le reste de la collection.
Les méchants de l’Histoire: Dracula, de Bernard Swysen et Julien Solé. Publié aux Éditions Dupuis, 64 pages.
3 commentaires
Pingback: Critique Dracula - Patrick Robert
Pingback: L’utopie médiévale de L’âge d’or
Pingback: Rire de ses défauts, avec les Méthodes barges