À peine 24 heures après avoir tenté de projeter une image d’unité au sein de son gouvernement en annonçant que le projet d’accord sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne avait mené à une proposition d’accord, voilà que le sol se dérobe de nouveau sous les pieds de la première ministre Theresa May.
À Londres, jeudi midi (heure locale), Mme May évoquait toujours « l’engagement de son gouvernement en faveur du Brexit » et « sa promesse envers l’Irlande du Nord », pour éviter le retour d’une frontière « dure » entre les deux régions de l’Irlande. Au moment où elle prononçait un énième discours aux Communes, toutefois, son plus récent ministre responsable du dossier du Brexit, Dominic Raab, claquait la porte du 10 Downing Street en se disant « incapable » d’appuyer le projet d’accord présenté la veille par Mme May.
Quelques minutes après, c’était au tour de la ministre du Travail, Esther McVey, de rejoindre son ancien collègue et quitter le gouvernement conservateur, parlant elle aussi d’un accord impossible à soutenir, évoquant même un « État vassal de l’Europe ».
« Le peuple du Royaume-Uni veut que l’on passe à autre chose, car il y a d’autres priorités », a encore martelé Theresa May, avant de parler « d’un avenir plus radieux pour notre pays », sous les quolibets de ses confrères aux Communes.
Le projet d’accord a beau compter plus de 500 pages, c’est principalement la question de la frontière nord-irlandaise qui pose problème. D’un côté, les Britanniques refusent d’instaurer une frontière physique, craignant le retour des violences confessionnelles, tout en écartant la possibilité d’une intégration plus directe de l’Irlande du Nord au sein de l’Union européenne, ce qui entraînerait de facto l’éclatement du Royaume-Uni.
De l’autre, les Européens sont formels: pas question d’accepter la libre-circulation des biens, tel qu’exigé par Londres, sans libre-circulation des personnes, ce dont ne veut plus le gouvernement conservateur, qui souhaite établir sa propre politique migratoire. Pour éviter les pires écueils, donc, cette entente temporaire sur la question de l’Irlande du Nord, en prévision de négociations supplémentaires.
À l’horizon, la date limite du 29 mars 2019, moment officiel du Brexit. Sans accord, les experts annoncent de graves pénuries, d’énormes files d’attente pour le transport des marchandises des deux côtés de la Manche, de lourdes pénalités financières réclamées par l’Europe, etc.
Attaquée d’un côté par les plus eurosceptiques au sein de son parti, et de l’autre par une opposition travailliste revigorée par cette lente désintégration du processus du Brexit, les heures de Theresa May à la tête du gouvernement semblent comptées.
Dans la foulée d’un éventuel départ de Mme May, les Britanniques retourneraient vraisemblablement aux urnes. Avec, à la clé, une nouvelle incertitude sur la suite des choses. Londres peut-elle revenir sur sa volonté d’engager le processus de sortie de l’Europe? Les électeurs seront-ils invités à participer à un deuxième référendum? Que se passerait-il, alors, si le résultat était de nouveau favorable au Brexit? Autant de questions auxquelles on ignore encore les réponses.
À moins d’un putsch politique, Theresa May doit présenter son projet d’accord aux Communes le mois prochain. D’ici là, toutefois, toutes les options semblent encore se trouver sur la table. « Shakespeare n’aurait pas fait mieux en matière de tragédie », a ainsi estimé jeudi le ministre allemand responsable des dossiers européens, Michael Roth, dans un message publié sur Twitter.
Faire des provisions pour la fin du monde? Non, pour le Brexit!
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