Sur scène, un couple rentre chez lui, pour découvrir que le courant a été coupé en son absence. Mais est-ce bien leur appartement? Bienvenue dans Perplex(e), la pièce de théâtre qui triture les méninges.
Donnée à la Petite Licorne, l’oeuvre de Marius von Mayenburg est absurde. Un peu à la Ionesco, en fait. Ou est-elle plutôt supposée faire réfléchir? Quoi qu’il en soit, les spectateurs sont clairement décontenancés en voyant la première scène, celle du couple revenant de vacances, commencer à se désagréger, se transformer sous nos yeux. A-t-on vraiment coupé le courant chez le couple en question? Ledit couple est-il revenu chez lui, ou non? Pourquoi évoque-t-on des personnages complètement à l’opposé de ce que l’on nous présentait il y a quelques instants à peine?
Sur scène, Mikhaïl Ahooja, Sonia Cordeau, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande s’en donnent à coeur joie, multipliant les personnages, virevoltant d’une situation à une autre, d’une scène à une autre. Changements de décor, de costume, de texte, de manière d’approcher son texte… Le texte a-t-il écrit, d’ailleurs, ou a-t-on simplement demandé aux comédiens d’improviser? « C’est à ça que ressemble une peine d’amour? », demande-t-on, vers la fin de l’oeuvre, en regardant Sonia Cordeau pleurer toutes les larmes de son corps en plongeant la tête dans l’un des coussins d’un divan. « Non, là, elle joue », répond quelqu’un d’autre. Perplex(e) joue avec les normes et les codes du théâtre, et les acteurs donnent franchement l’impression de s’amuser franchement.
Et les spectateurs, eux? D’abord décontenancés, il ne leur faut pas longtemps pour se mettre à rire, parfois à la suite d’un malaise, mais bien souvent des suites de l’absurdité d’une situation. Devant cette farce à quatre joueurs, cette franche rigolade qui jusqu’à mêler le Troisième Reich aux passions animales, impossible de demeurer insensible.
Essentielle, cette pièce d’origine allemande? Pas tout à fait. Mais le côté rafraîchissant, frondeur, voire audacieux de la chose vaut certainement le détour. D’autant plus que les acteurs s’y meuvent comme des poissons dans l’eau. Pour Sonia Cordeau, entre autres, habituée au pitreries des Appendices, la pomme n’est certainement pas tombée bien loin de l’arbre. Idem pour ses compagnons de scène, qui s’acquittent bien plus qu’honorablement de leur rôle tragi-comique.
À voir, donc, histoire de se détendre les zygomatiques et d’oublier, pendant une heure, le froid et la grisaille de l’automne, à quelques mètres de là.
Perplex(e), de Marius von Mayenburg. Une pièce du Projet Bocal et de La Manufacture. Présentée à La Licorne jsuqu’au 14 décembre. Avec Mikhaïl Ahooja, Sonia Cordeau, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande, dans une mise en scène de Patricia Nolin.