Une étude parue au début du mois aurait apporté « certaines preuves » d’un lien entre le téléphone cellulaire et l’apparition de tumeurs. C’est ce qu’on a pu lire à gauche et à droite, avant que de nombreux autres médias n’apportent des nuances. Le Détecteur de rumeurs y voit une opportunité pour rappeler combien il est souvent difficile d’extrapoler des impacts sur les humains à partir d’études sur des rongeurs.
Les résultats de cette nouvelle étude, réalisée sous l’égide du Programme national de toxicologie du ministère américain de la santé, font état d’un impact mesurable mais « modeste » chez une partie des animaux de laboratoire, chez qui on observe, lit-on, une légère croissance de deux types de tumeurs, l’une au cœur et l’autre au cerveau. Mais depuis la parution de l’étude, le Détecteur de rumeurs a recensé au moins neuf bémols, certains avancés par les auteurs eux-mêmes, d’autres par des experts qui n’ont pas pris part à l’étude:
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Les souris qui ont servi de cobayes ont été exposées aux radiations neuf heures par jour pendant toute leur vie (deux ans), soit loin au-delà de l’usage qu’un humain normal est capable de faire d’un téléphone, admettent les auteurs. Les rats qui ont aussi servi de cobayes ont quant à eux été exposés aux radiations avant même leur naissance, puis pendant deux ans.
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Les animaux, placés dans des pièces spécialement conçues pour bloquer les radiations de l’extérieur, étaient exposés sur l’ensemble de leur corps aux radiations que l’on souhaitait tester, ce qui est différent de la façon dont un humain utilise normalement son téléphone, conviennent là aussi les auteurs.
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Parce que les paramètres de l’étude ont commencé à être définis en 1999, celle-ci a utilisé des fréquences qui étaient celles des téléphones cellulaires des générations 2G et 3G, et ne sont donc plus employées depuis des années (les premiers 4G sont entrés sur le marché en 2008).
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Le plus faible taux de radiation testé était égal au plus haut taux autorisé aux États-Unis pour un téléphone. Ce taux « est rarement atteint avec un usage typique d’un téléphone » soulignent les auteurs dans l’étude, dans la fiche descriptive rédigée à l’intention du grand public et dans leur communiqué. Le plus haut taux de radiation testé était quant à lui quatre fois plus élevé que la norme maximale autorisée.
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Le nombre plus élevé de tumeurs n’a été observé que chez les rats mâles, pas chez les femelles ni chez les souris, alors qu’on aurait pu penser qu’elles seraient réparties également chez tous les animaux.
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Chez ces mâles, la tumeur en question pour laquelle le lien semble le plus solide est le gliome malin, un cancer du cerveau. Environ 2 à 3% des rats exposés aux radiations ont développé un gliome malin, contre aucun du groupe contrôle (celui qui n’a reçu aucune radiation). Le problème avec cette observation est que, bien que les causes du gliome malin chez les humains soient encore obscures, leur nombre reste très faible (1,4% de tous les cancers aux États-Unis), même après 40 ans de téléphones cellulaires.
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Le New York Times notait dès 2016, lors de la parution de la version préliminaire de l’étude, qu’il était étrange que le taux de gliome malin ait été de zéro dans le groupe contrôle. Dans des études précédentes du Programme national de toxicologie, même dans le groupe contrôle, en moyenne, 2 % des rats développaient des gliomes. Si ça c’était produit ici, « il n’y aurait eu virtuellement aucune différence » avec les rats exposés aux radiations.
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Par conséquent, certains chercheurs ont été prompts à suggérer que ces 2 à 3 % puissent être le résultat du hasard. Dans une étude de ce genre, commente par exemple dans Popular Science le professeur de l’Université McGill Christopher Labos, si vous cherchez des taux de cancer plus élevés que la moyenne dans tous les organes des animaux, vous augmentez vos chances d’en trouver au moins un.
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Étrangement, les rats exposés aux radiations sont ceux qui ont, en moyenne, vécu plus longtemps que les rats qui n’étaient pas exposés aux radiations.
Si ces bémols sont tellement gros qu’on voit difficilement comment les résultats pourraient s’appliquer aux humains, pourquoi alors les auteurs utilisent-ils l’expression « certaines preuves » en parlant d’un lien entre les radiations et les tumeurs?
Il se trouve que cette expression est d’usage dans le jargon scientifique lorsque les données semblent tendres vers un lien, même lorsque les chercheurs ne peuvent pas en expliquer les causes (comme c’est le cas ici). L’expression « certaines preuves » est un peu plus forte que « preuves incertaines » qui avait été proposée par un comité de réviseurs en mars dernier, mais moins forte que « cause probable », qui avait été envisagée dans la première version du rapport, en 2016.
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