Le Far West est habituellement réservé aux hommes. Pourtant, en prenant une femme, d’un âge respectable en plus, comme héroïne de son western, la bande dessinée Perdy sort agréablement des sentiers battus.
Fraîchement libérée de prison après avoir purgé une peine de quinze ans, Perdy, une femme forte aimant un peu trop les braquages de banque et le sexe (pas nécessairement dans cet ordre), ne perd pas de temps à renouer avec ses vieilles habitudes. Non contente d’avoir dérobé un cheval à un couple de fermiers sans défense, elle galope à toute allure vers Petiteville, où se trouve Pétunia, sa fille, qu’elle espère convaincre de participer à un vol ambitieux, mais cette dernière, qui se fait maintenant appeler Rose et possède une boutique de fleurs, n’apprécie pas beaucoup que sa mère vienne perturber la vie rangée qu’elle mène en l’impliquant dans ses projets criminels, et les retrouvailles entre les deux femmes s’annoncent des plus houleuses.
Volage, culotée, mal embouchée, irascible et capable de foutre une raclée à n’importe quel homme, Perdy affiche la même attitude cavalière que la plupart des despérados, mais ce comportement vulgaire et violent surprend de la part d’une femme, et c’est précisément ce qui fait le charme de cette bande dessinée iconoclaste. Grâce à son héroïne, une ogresse à la crinière blanche d’une telle corpulence qu’elle épuise mortellement tous les chevaux qu’elle monte, qui assume sans aucune gêne sa sexualité et qui dit tout haut le fond de sa pensée (« J’oserais même pas toucher cet endroit avec un poil de chatte »), la bande dessinée parvient à détourner avec beaucoup d’intelligence et d’humour les codes habituels du western.
Il y a contraste intéressant entre la naïveté des illustrations de Kickliy, et l’aspect résolument adulte de son humour, comme dans le cas de Big Richard, un vilain clairement affublé d’un nez en forme de pénis. L’artiste reprend à son compte l’iconographie classique du Far Ouest, mais insuffle sa propre personnalité aux déserts peuplés de cactus, aux vols de diligence, aux petites villes aux trottoirs de bois, et aux batailles générales au saloon. Afin de dynamiser l’ensemble, la majorité de ses cases intègrent des onomatopées, et en se limitant la plupart du temps au brun, au beige et au blanc ponctué de rose, la coloration de l’album (qui n’est pas sans rappeler une glace napolitaine) contribue également à démarquer cette bande dessinée pas comme les autres.
Si vous pensez que le western en tant que genre a déjà dit tout ce qu’il avait à dire, c’est que vous ne connaissez pas la bande dessinée Perdy, une sorte de version féminine de True Grit, dont l’héroïne ne laissera personne indifférent.
Perdy Volume 1: Fleurs. Sexe. Braquages. de Kickliy. Publié aux Éditions Dargaud, 160 pages.
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