Les électeurs américains ont rendez-vous dans l’isoloir, mardi, pour renouveler les 435 sièges de la Chambre des représentants et le tiers des 100 sénateurs du Congrès, en plus de réélire ou d’élire de nouveaux gouverneurs d’États. Le résultat du scrutin pourrait bien provoquer un important chambardement politique à Washington.
« C’est une invasion »: cette phrase, le président américain Donald Trump la répète depuis plus d’une semaine. Économie, soins de santé, protection de l’environnement… Tout cela, aux yeux du chef de l’État, importe peu. Ce qui compte, dit le locataire de la Maison-Blanche, c’est cette caravane de migrants entrée au Mexique et faisant lentement route vers la frontière américaine, dans l’espoir de réclamer l’asile.
Capitalisant sur les « mauvais éléments » qui se trouveraient dans cette colonne d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant la violence et la misère, le président cherche à faire de ces élections de mi-mandat un scrutin sur la politique migratoire américaine – la pire au monde, clame-t-il.
Peu importe s’il ne s’agit pas d’une élection présidentielle, et, surtout, peu importe s’il s’agit bien souvent d’autant d’enjeux spécifiques qu’il y a de courses, le Parti républicain fait front commun derrière son président. Et cette fois, toutes les démarches pour réduire le nombre d’immigrants, bloquer l’arrivée de ressortissants de certains pays et expulser des réfugiés – provoquant au passage une crise des migrants au Canada, avec ces dizaines de milliers de personnes entrent de façon irrégulière au pays pour contourner l’Entente sur les tiers pays sûrs entre Ottawa et Washington – se cristallise autour de la question de cette caravane. Sans oublier le « Mur » promis dès le premier jour par Trump.
« Votez pour la sécurité, votez républicain », scande une publicité électorale appuyée par le président lui-même, et diffusée en ligne ces jours-ci. On y établit des liens entre un immigrant hispanique entré aux États-Unis qui a tué des policiers après avoir été arrêté, puis remis en liberté. « C’est la faute aux démocrates », dit-on encore dans la publicité, alors que c’est plutôt un shérif républicain, d’ailleurs en difficulté dans sa propre course électorale, qui a laissé repartir l’individu en question.
Face à ce message établissant un lien direct entre les réfugiés potentiels et les criminels meurtriers, les médias semblent avoir fait front commun: CNN et NBC, après avoir diffusé la publicité pendant la fin de semaine et été vivement critiqués, ont annoncé lundi qu’ils faisaient marche arrière et la retiraient de leurs ondes. Idem pour Facebook, qui l’a fait disparaître des contenus sponsorisés. Même chez Fox News, qui a très largement alimenté le sentiment anti-migrant, on a fait savoir que le message n’était plus diffusé depuis dimanche.
Questionné à ce sujet, écrit le New York Times, le président a dit ne pas être au courant de la controverse. « Il y a beaucoup de choses offensantes, vous savez, comme vos questions, bien souvent », a-t-il renchéri, poursuivant sa guerre personnelle contre les médias d’information.
Référendum ou vote?
Ce scrutin de mi-mandat est-il un référendum sur les deux premières années de l’une des présidences les plus mouvementées de l’histoire américaine? Ingérence russe, corruption, mises à pied surprises, hausse des tensions mondiales, guerre commerciale, négociations forcées avec des pays pourtant alliés, rapprochement avec des dictatures, guerre contre les médias, montée de l’extrémisme violent… Les sujets ne manquent pas pour profiter du vote pour tenter de désavouer le travail du président.
À l’opposé, la base républicaine a eu droit à d’importantes baisses d’impôts, au recul de certaines protections environnementales, à la nomination de deux juges conservateurs à la Cour suprême, à des coups d’éclat… bref, à une bonne partie de ce que le président avait promis en campagne électorale. Là aussi, les partisans du GOP pourraient être tentés de maintenir le Parti républicain au pouvoir dans les deux Chambres et aux postes de gouverneur des divers États où les mandats arrivent à échéance.
Autre signe de la division profonde entre démocrates et républicains, la vieille garde est bien souvent poussée vers la sortie. Bon nombre de républicains plus modérés, peu ou pas du tout admirateurs du style du président, ont timidement marqué leur désapprobation… Avant d’annoncer leur départ en janvier prochain, lorsque les nouveaux mandats débuteront.
Chez les démocrates, de jeunes militants passionnés ont plusieurs fois provoqué la surprise en détrônant de vieilles figures du parti lors de primaires, ou en chauffant leur opposant républicain dans les sondages. Au Texas, par exemple, le sénateur républicain Ted Cruz, ancien adversaire de Trump devenu fidèle allié du président, est menacé par le démocrate Beto O’Rourke, qui pourrait lui ravir son siège.
Référendum ou non, si les démocrates gagnent une majorité de sièges à la Chambre des représentants, soit ce que laissent entendre les sondages, ils seront en mesure de fortement ralentir, voire paralyser l’ordre du jour législatif du président. Cela sans compter les enquêtes qui pourraient être lancées en lien avec les travaux du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016.
Trolls électoraux
Dans la foulée de l’ingérence présumée de Moscou dans le processus électoral, d’ailleurs, les réseaux sociaux multiplient les fermetures de comptes et les offensives numériques pour éviter les graves problèmes constatés dans la foulée de 2016. Identification obligatoire des acheteurs de publicités électorales aux États-Unis chez Facebook, bannissement d’internautes chez Twitter… Les géants de la Silicon Valley tentent de redorer leur image après une série de scandales qui semblent avoir profité aux républicains.
Chez Facebook, on a ainsi annoncé lundi soir, à quelques heures seulement de l’ouverture des bureaux de vote, que l’on avait fermé une trentaine de comptes, ainsi que 85 comptes du service de partage de photos Instagram, comptes qui « semblaient participer à un comportement inhabituel coordonné.
« Habituellement, nous attendrions d’avoir progressé davantage dans notre analyse avant d’annoncer le tout publiquement. Mais puisque nous sommes à un jour seulement d’élections importantes aux États-Unis, nous voulions faire savoir que nous agissons », a déclaré Facebook dans un communiqué publié dans sa salle de presse virtuelle.
Ces comptes sont-ils liés à des « usines à trolls » situées en Russie, ou à d’autres groupes du genre? Facebook l’ignore pour l’instant. Mais après que Twitter eut bloqué quelque 10 000 comptes se faisant passer pour des démocrates, et qui appelaient à ne pas voter mardi, la prudence est effectivement de mise.
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