Écrire sans fautes. C’est ce que les enseignantes apprennent aux enfants depuis longtemps. Des fautes. Pas des erreurs. Des fautes. Car l’un est fautif de ne pas savoir l’orthographe d’usage. Et pourquoi? Qui a pris la décision, il y a bien longtemps, de mettre un X à hibou ou à cheveux, lorsque ceux-ci sont au pluriel? D’où viennent toutes ces règles, mais, surtout, toutes ces exceptions?
Tout cela fait partie des nombreux aspects abordés dans le cadre de la conférence théâtrale La Convivialité, dans la Salle Alfred-Jarry du Théâtre Denise -Pelletier.
Dans un décor simple, presque absent, et paré d’un grand écran en fond de salle, affichant un énorme marteau, les professeurs de religion et de français Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, accompagné de Gaspar Samyn à la régie, nous parlent de la langue française, notre langue, pendant environ une heure vingt. Précisément sur le sujet de l’orthographe.
Ils abordent plusieurs angles:
La différence entre l’orthographe et la langue; est-ce que parce qu’on faut des erreurs dans l’orthographe qu’on déshonore la langue?
Est-ce qu’une faute est plus grave qu’une autre? Pourquoi pardonnons-nous plus facilement un oubli d’accorder le verbe avec le complément direct lorsqu’il est placé avant qu’un changement complet dans l’écriture du mot?
Comment devrions-nous orthographier certains mots, et pourquoi? Saviez-vous que le X pluriel existe seulement suite à une erreur d’abréviation de la part des moines?
Et ce n’est qu’un aperçu. Ces deux gourmets de la langue font naviguer le public à travers les dédales d’une langue compliquée, si belle, en montrant ses failles.
Vous vous rappelez le marteau? Eh bien, ils y reviennent. Dans le dictionnaire, sous le mot marteau, sa définition est ce qu’il contient; une tête, un manche, etc. Cela ne donne aucune indication de comment ou pourquoi utiliser ledit marteau ou même, quel est en l’usage? Tout le monde sait ce qu’est un marteau, mais personne ne peut dire ce qu’il est possible de construire. C’est la même chose pour la langue française. On nous apprend à l’écrire correctement, mais pas à l’utiliser convenablement, ni d’où elle vient, ou à quoi elle sert.
Pourtant, échouer dans le domaine de l’orthographe est jugé et utilisé pour distinguer les classes. Une bonne orthographe est vue comme prestigieuse; c’est une viabilité et une recevabilité sociale. La preuve, faire passer un test de français est devenu une norme pour un employeur lors de l’embauche. C’est ce qu’on appelle de la discrimination par la langue. La question se pose: qu’est-ce qui devrait changer? Devrions-nous écrire strictement en phonétique, un peu comme les Turcs? Ou si l’Académie française voulait bien commencer à accepter une certaine simplification, que tous les linguistes recommandent? Est-ce être si paresseux que de vouloir réduire les manières d’écrire un même mot? Le débat est ouvert sur la place publique depuis trop longtemps.
Ce spectacle est surprenant. Là où l’on peut s’attendre à une glorification de l’orthographe rigide, le public est surtout encouragé à se poser plus de questions sur ce qu’il tient habituellement pour acquis. Ce n’est pas une leçon forcée, c’est plutôt un apprentissage qui encourage le développement de l’esprit critique. Ce dont il est question pendant la représentation concerne de prêt tous les francophones, d’ici ou d’ailleurs. En effet, même si un peuple se distingue d’un autre par son accent, les mots restent, l’orthographe reste et, selon le proverbe, les écrits aussi.
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