Verrouillez vos portes et vos fenêtres, le seigneur des vampires erre dans les environs! La Maison symphonique accueillait plus tôt cette semaine une nouvelle édition de ses projections cinématographiques accompagnées en musique avec la présentation de Nosaferatu le vampire, chef-d’oeuvre d’horreur de 1922.
Lumière rouge sinistre, décor d’Halloween, l’équipe de l’Orchestre symphonique de Montréal n’avait ménagé aucun effet pour mettre le public dans l’ambiance, en ce soir du 30 octobre. Et pour cause: le film à l’affiche n’est nul autre que la première déclinaison au septième art du roman de Bram Stoker. Pas question de dialogues, de couleur, ou encore d’autre chose que des plans fixes; le classique de Friedrich Wilhelm Murnau représente encore les balbutiements du cinéma, mais déjà, la maîtrise allemande se fait sentir. Si une décennie séparent Nosferatu de Metropolis, de Fritz Lang, certains codes sont déjà indélébiles, et les moyens plus que limités de l’époque sont exploités à leur maximum.
L’histoire est archiconnue: un homme, mandaté pour surveiller un lointain château, fait la connaissance d’un étrange personnage qui dort le jour et semble fasciner par le sang. Bien vite, il découvrira qu’il s’agit d’un vampire. Cette révélation semble survenir trop tard, cependant, pour sauver la promise de notre héros, tombée sous le charme maléfique du monstre de la nuit.
Vieillot, ce Dracula? Oui et non: l’absence de dialogues et la nécessité de tourner l’entièreté de l’oeuvre en plan fixe pèsent. Tout comme la minceur du scénario et les raccourcis que cela implique. Néanmoins, il est fascinant de constater l’ingéniosité employée pour contourner toutes ces limitations, autant techniques que scénaristiques. Changements de couleur de la pellicule, effets spéciaux rudimentaires, utilisation de blocs de texte à l’écran pour faciliter la narration… Sans oublier, bien sûr, les fantastiques jeux d’ombre. Paradoxalement, il n’y a pas grand chose de mieux réussi et de plus effrayant que cette ombre de Dracula qui s’approche tranquillement de la porte de la fiancée de notre héros; pas besoin d’images numériques, de maquillage extravagant, ou encore de musique Dolby Digital 7.1.
Mais est-ce vraiment le cas? Après tout, le clou de cette soirée, l’ingrédient essentiel qui a justement su attirer les foules à la Maison symphonique pour voir ou revoir un film vieux de près de 100 ans, c’est bel et bien la musique. Celle produite par le gigantesque Grand Orgue Pierre-Béique, lui-même contrôlé par Thierry Escaich.
Sous le doigté de l’organiste, nous n’étions plus dans une salle sombre ordinaire d’un cinéma sentant le maïs soufflé rassis, nous étions à la Maison symphonique, pratiquement plaqués dans le fond de nos sièges sous l’effet dantesque de cette musique sortie d’outre-tombe, cette musique puissante, terrifiante, à laquelle il était impossible d’échapper. Nouvelle preuve de l’importance essentielle de la musique au cinéma – et encore plus, bien sûr, lorsqu’il est question d’un film muet –, cette extraordinaire trame sonore jouée à l’orgue a fait de cette projection une expérience unique en son genre.
Encore une fois, l’OSM prouve qu’il est possible de conjuguer efficacement musique classique et cinéma. Et encore une fois, le public fut au rendez-vous. À quand, donc, la prochaine représentation?
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