Disons que chaque année, on aime toujours devancer un peu plus les sorties, et c’est de manière un peu inquiétante qu’on voit un premier film du temps des fêtes prendre l’affiche à peine quelques jours après qu’on ait éteint (et même pas enlevée) la dernière citrouille de l’Halloween. Cette proposition ultra-usinée de cette relecture louable de Casse-noisettes aurait pourtant davantage charmé les familles au moment opportun, et ce malgré son manque flagrant de consistance.
Drôle de projet que s’est offert Disney en s’attaquant à un conte intemporel pour se l’approprier. Cette fois, pas question de remonter aux origines d’une histoire déjà connue, de passer de l’animation à la captation réelle d’un classique, ou d’adapter un manège. On a plutôt envie d’utiliser un conte qui s’est décliné en un ballet, en des pièces musicales de Tchaïkovski et en divers romans. Ce sera ici surtout le roman, ou plutôt le conte de Hoffmann qui intéressera les créateurs de ce long-métrage, ce qui ne les empêche pas de multiplier les références pour enrichir le côté artistique, les influences et l’enrobage de cette production sucrée.
C’est qu’au niveau technique, aucun souci à y retrouver, c’est la totale. Visuellement splendide et riche en idées, on en met plein la vue avec les costumes, les décors, les couleurs et même la 3D. Musicalement, si ça ne casse rien, on aime la façon dont James Newton Howard a judicieusement marié les compositions de Tchaïkovski aux siennes, en plus de profiter de la présence du pianiste Lang Lang.
La distribution ne manque pas d’intérêt non plus, alors que Keira Knightley se laisse peut-être un peu trop aller, et que Morgan Freeman est définitivement sous-utilisé, mais on ne manque jamais une occasion de saluer la présence de Richard E. Grant ou d’Helen Mirren, qui renoue ici avec Lasse Hallström.
Ce dernier assume d’ailleurs avec beaucoup de panache toute cette entreprise, lui qui est capable du pire comme du meilleur, mais qui est toujours bien entiché des jolies histoires rassembleuses et mélos avec une affection sentie pour les films d’époque. Le problème, c’est qu’il n’a pas pu assurer la totalité du tournage, et que c’est le moins convaincant Joe Johnston qui a repris les rênes.
Ces deux têtes peuvent peut-être expliquer le côté un tantinet bipolaire du long-métrage, qui ne sait pas toujours sur quel pied danser. Ce n’est toutefois rien quand on se penche plus précisément sur le scénario. Car disons-le franchement, le hic est beaucoup plus du côté de l’histoire, premier scénario signé Ashleigh Powell.
Bien que ce dernier parvient à donner vie à tout un univers particulièrement riche et défini, on se demande quel a bien pu être son degré de créativité dans toute cette écriture, tellement le tout ressemble simplement à un raboutage à peine camouflé de mille et une autres histoires remâchées par Disney au cours des dernières années.
Manque d’originalité
Évacuant ainsi toute possibilité d’originalité, on se demande quel est le but de donner une nouvelle vie à Casse-noisettes, si c’est pour qu’elle reprenne tour à tour les airs de Narnia, Alice, Oz et autres. Pas seulement ça, mais nous avons également droit à la recette schématique qu’on ressort des tiroirs, en plus des revirements qui semblent être tous les mêmes que Disney calque ad nauseam (la révélation du méchant, par exemple).
Avec cette histoire de royaume déchiré, de traîtrise et du retour de l’élue pour tout sauver alors qu’elle doit elle-même se trouver dans toute cette histoire, le tout ne sent pas seulement le déjà vu, on l’a effectivement déjà vu! De plus, bien que l’on comprenne le désir de tout faire reposer sur une héroïne féminine (faut être de son époque, quoi!) et d’ainsi un peu réinventer le syndrome de la princesse (ce que Disney fait depuis presque une décennie déjà, qu’on le veuille ou non), il devient alors un peu déloyal de quand même appeler le film The Nutcracker and the Four Realms alors que ce dernier est au final tout sauf véritablement important.
Au moins, c’est Jayden Fowora-Knight qui incarne ledit casse-noisettes, jeune nouveau venu afro-américain, histoire de faire taire ce détail en misant tout sur la diversité. Pour ce qui est de la protagoniste principale, Mackenzie Foy a étonnamment beaucoup de présence, et n’a pas trop de mal à tenir le film sur ses épaules, elle qui a lancé sa carrière en incarnant à la fois la fameuse Renesmee des Twilight, ainsi que Murph, dans Interstellar.
- Hunter Killer: combat de phallus
- Mélanie Laurent et Jean Dujardin se défient en duel dans Le retour du héros
Heureusement, le film ne s’étire pas trop et se règle rondement en moins de 100 minutes. De plus, il y a ici et là plusieurs libertés qui sont particulièrement bien accueillies. On pense notamment à plusieurs références culturelles, à des répliques juteuses qui réveilleront les parents, de peur que les enfants aient peut-être compris les double-sens et, bien sûr, l’inclusion magnifique de danse et de ballet pour ne pas entièrement renier la forme artistique la plus connue de l’histoire. Mieux encore, histoire de faire un clin d’œil aux tentatives précédentes de donner vie au conte par Disney, on camoufle tout plein de petites allusions et de pastiches directs de Fantasia (Fantasia 2000 avait un segment complet sur un casse-noisettes), ce qui fera indubitablement sourire et fondre ceux qui ont grandis avec cet inépuisable classique.
Reste alors à nouveau un très beau film au scénario pratiquement douteux, tellement toute la possibilité de potentiel est rapidement évacuée et/ou qu’elle sent le réchauffé. Certes, rien ici pour s’approcher des autres navets de cette année qui ont su rivaliser à dose de stupidités – il s’agit quand même d’un mignon long-métrage familial avec les valeurs et les messages peu subtils au bon endroit –, mais assez pour se faire rapidement oublier. Au moins, une bonne part du public cible risque d’en ressortir charmé.
6/10
The Nutcracker and the Four Realms prend l’affiche en salles ce vendredi 2 novembre.