Avec l’album à saveur autobiographique La terreur des hauteurs, l’auteur et illustrateur Jean-C. Denis livre un récit très personnel sur sa lutte contre un mal si courant qu’il est presque considéré comme banal: le vertige.
Il n’est pas évident pour quelqu’un n’ayant jamais souffert de vertige de comprendre à quel point cette peur incontrôlable du vide, qui surgit à n’importe quel moment sans crier gare et qui pétrifie littéralement sur place ceux et celles qui en sont affligés, peut pourrir l’existence. Cette phobie est tellement répandue dans la société qu’elle est souvent banalisée, voire ridiculisée, mais grâce à La terreur des hauteurs, une bande dessinée intimiste dans laquelle Jean-C. Denis se livre avec beaucoup de générosité, on saisit mieux l’ampleur des problèmes auxquels doivent faire face les personnes atteintes de ce trouble.
Suite à une crise inopinée sur un sentier escarpé d’Antibes, Jean-Claude Denis décide d’expliquer à sa copine en quoi consiste le mal dont il souffre, et qui est venu gâcher leur promenade. Puisant dans sa propre expérience, le bédéiste décrit différents épisodes de vertige qu’il a connus à travers sa vie (dans des grandes roues, sur des routes à flanc de montagne, ou même en nageant en eaux profondes), dans l’espoir de retracer l’origine de sa phobie. Au-delà de l’introspection, La terreur des hauteurs pose un regard lucide sur la signification, autant physique qu’existentielle, de cette peur du vide, permettant ainsi de mieux comprendre les mécanismes du vertige, mais aussi de la phobie en général.
À l’exception de quelques pages orangées, La terreur des hauteurs n’utilise que le noir, le bleu et le crème pour sa coloration, ce qui renforce l’aspect nostalgique du récit. Puisque le vertige de Jean-C. Denis semble se manifester régulièrement en vacances, l’album prend les allures de carnet de voyage, et d’un trait élégant, l’artiste reproduit des paysages saisissants, des routes serpentines du Val d’Enfer à la coupole Il Duomo à Florence. En donnant à l’abîme les apparences d’un monstre, ou en dessinant la rondeur de la Terre perceptible à une certaine élévation, il transmet à merveille l’angoisse provoquée par le vide, et se permet même au passage un hommage au dessinateur français Philippe Druillet, « l’homme des espaces intersidéraux, celui qui enjambe les étoiles », et qui souffre lui aussi de vertige.
Comme le dit si bien Jean-C. Denis, « la peur paralyse, mais elle peut aussi donner des ailes à un auteur de bandes dessinées », et avec La terreur des hauteurs, l’artiste livre un album inspirant pour tous ceux et celles qui tentent de surmonter leur phobie.
La terreur des hauteurs, de Jean-C. Denis. Publié aux Éditions Futuropolis, 144 pages.
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