L’heure était à l’émerveillement et à la lutte contre les éléments, mercredi soir à la Maison symphonique, alors qu’était donnée la Symphonie alpestre de Richard Strauss, dans le cadre d’un concert dédié au romantisme et à l’idéalisme de la fin du 19e siècle.
Otto Nicolai, Felix Mendelssohn, Richard Strauss… trois compositeurs s’étant abandonnés aux attraits du romantisme, chacun à sa manière, chacun avec ses effets de style, ses petites facéties, ses grandes ambitions musicales.
Nicolai, d’abord, en entrée, avec son ouverture pour Les joyeuses commères de Windsor, mise en bouche sympathique et guillerette de cette oeuvre fort positivement reçue à sa sortie, en 1849, mais dont l’auteur décéda deux mois à peine après la grande première, victime d’une crise d’apoplexie. Qu’à cela ne tienne, nous voilà dans un pur produit de l’époque romantique, qui évoque le lever de soleil en campagne, les rayons qui caressent la forêt et les murs d’un domaine où vivent doucement de jeunes femmes rêvant d’amour.
À ce charme un peu suranné, à ce romantisme un peu bonbon, succède le Concerto pour piano no 1 en sol mineur de Felix Mendelssohn. Et si l’on ne parlera pas ici de dissonance musicale avec « l’entrée » de Nicolai, force est d’admettre que la transformation est notoire. Exit le fait de batifoler dans les hautes herbes, voici ce qui est sans doute une déclaration d’amour en version concentrée, une ode à la jeune Delphine von Schauroth contenue en une vingtaine de minutes. Sur scène, le pianiste André Laplante, d’ailleurs presque deux fois plus âgé que Mendelssohn ne l’était au moment de son décès, s’attaque à l’oeuvre de ce dernier comme l’on s’attaque à l’escalade d’une montagne.
Impossible, d’ailleurs, de relâcher sa concentration, tant la partition semble traître. Alors que fougue et tendresse se côtoient, les doigts du pianiste virevoltent sur le clavier, tandis qu’aux commandes de l’orchestre, le chef Juraj Valcuha transforme la virtuosité des musiciens en une expression de la puissance des sentiments.
La montagne comme métaphore
Après l’entracte, ce fut l’heure du plat de résistance: cette fameuse Symphonie alpine de Richard Strauss. Strauss qui, apprend-on, conjugue cette transposition musicale d’une expédition effectuée alors qu’il était adolescent à sa croisade contre le christianisme. Devant cette nature pure, ces pics vertigineux dont on imagine les sommets enneigés, voilà donc l’homme, avec ou sans H majuscule, décidé à en conquérir la cime.
Percussions, cuivres, bois… Tout est bon pour décrire cette splendeur millénaire, cette représentation de la nécessité de s’affranchir de ses doutes personnels pour surmonter ses peurs. Bref, pour devenir un homme, semble raconter Strauss. Sur scène, cela se traduit par une épopée lyrique spectaculaire qui permet d’imaginer sans peine les obstacles qu’il faudra franchir pour parvenir au faîte. Mais encore faut-il redescendre! Et voilà que la pluie et l’orage se mettent de la partie, menaçant la vie même de notre courageux alpiniste. Faites tonnes les cuivres! Faites trembler les percussions! De la part de celui qui nous donna le fantastique Ainsi parlait Zarathoustra, rien d’étonnant à ce que la Maison symphonique abrite en son sein un véritable maelström musical et scénique. De quoi être fier d’être Prussien, c’est dire!
Les mélomanes qui ont manqué le concert de mercredi pourront se reprendre jeudi. À voir… et surtout, à entendre!
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