Le Théâtre Aux Écuries poursuit sa saison 2018-2019 avec la pièce FIEL, qui porte sur des sujets nécessaires, à la fois d’actualité et intemporel: la fin du secondaire, l’alcool, l’influençabilité, la violence et le consentement (ou son absence).
Dans ce texte et mise en scène de Marilyn Perrault, qui trace le parcours d’un groupe d’ami.e.s qui se préparent pour leur bal des finissants, danse acrobatique, projections vidéo et théâtre s’entrecroisent pour offrir ce qui se veut être une exploration poétique de leur déchéance annoncée. Malgré un effort louable d’aborder un sujet préoccupant et on ne peut plus réel, FIEL ne parvient pas vraiment à nous faire réfléchir en profondeur, nous laissant sur une note décevante.
À l’époque où des séries telles que 13 Reasons Why gagnent en popularité, le thème de l’influençabilité et de l’ostracisme des jeunes par d’autres groupes de jeunes est à la mode, et c’est loin d’être une mauvaise chose, bien au contraire. La cyberintimidation gagne du terrain, et l’intimidation reste un problème crucial, surtout au secondaire. Ne serait-ce que pour ces raisons, FIEL mérite une certaine reconnaissance. Ce sont des sujets aussi importants que bien souvent difficiles à aborder avec les jeunes. En les normalisant, à travers des pièces auxquels ceux et celles-ci peuvent s’identifier, on vient créer des ressources, des exemples et une mise en garde pour les jeunes.
Une mise en garde, c’est exactement ce que souhaite être FIEL. D’ailleurs, c’est presque sur ces mots que le spectacle s’ouvre: une partie de celui-ci et de la trame narrative est exprimée à l’écrit, comme si quelqu’un tapait les mots en temps réel. Le médium et le format ne sont pas inintéressants, surtout lorsque nos vies se déroulent de plus en plus à travers les multiples écrans qui les parsèment. Si ces infographies piquent notre curiosité au début, elles n’en deviennent pas moins un peu lourdes et répétitives au fil de la pièce. C’est au niveau du rythme que la bât blesse; la pièce ne culmine jamais vraiment et nous laisse dans des limbes un peu vagues, parfois frustrants. La durée assez longue de FIEL est aussi à blâmer; on sent que le 1h45 du spectacle vient noyer le propos en lui permettant de s’étirer et de nous mener très lentement vers une résolution qui n’est au final pas très claire.
Soulignons toutefois l’utilisation impeccable du langage des signes à plusieurs reprises pendant la pièce; en effet, il est si rare de voir dans le théâtre tant traditionnel qu’expérimental une intégration aussi intéressante de celui-ci. La mise en scène, la scénographie, les chorégraphies et le talent des comédien.ne.s sont également les éléments qui viennent sauver la pièce et lui redonner un certain attrait. Si la chorégraphie qui ouvre FIEL est un peu forcée, elles viennent cependant ponctuer le reste de la pièce de manière parfois spectaculaire. Il n’y a pas à dire, nous sommes en présence d’un spectacle bien rodé et très travaillé.
La protagoniste L et son discours passionné à son amoureux, qui tient davantage du questionnement poétique de la vie, de ses rêves, de son imagination, sont très certainement les moments forts de la pièce. Si tou.te.s les comédien.ne.s s’en tirent assez bien au niveau du jeu et de la caractérisation de leurs personnages, Lesly Velázquez est particulièrement convaincante et remarquable dans son interprétation de L, nouvelle venue, victime, survivante.
Dans un contexte où le mouvement #MeToo prend toujours plus d’ampleur, malgré tout les Brett Kavanaugh de ce monde, on ne peut s’empêcher de rester sur sa faim avec FIEL. Les allusions un peu frileuses, paradoxalement annoncées d’emblée ou de manière crue qu’un événement tragique s’est produit lors d’un bal des finissants qui a mal tourné, ne font finalement qu’effleurer le sujet, sans profondeur, sans questionnement cathartique. Bien qu’il se veuille une critique de ce jugement qui semble disparaître lorsqu’un groupe se forme, le regard posé sur ce cet événement violent, sur ce viol de gang est au final dilué par une surutilisation d’un symbolisme tellement criant qu’il en devient parfois criard. Si le mot fiel se définit comme étant une amertume qui se mêle de méchanceté, thème très certainement bien établi de différentes manières, il y a quelque chose qui manque à la pièce pour véhiculer le message voulu.
FIEL sera présenté jusqu’au 27 octobre 2018 au Théâtre Aux Écuries.
Théâtre – Un titre provisoire pour une pièce aux effets permanents