Migrer aux États-Unis et entreprendre les démarches pour obtenir la green card, la cinéaste américaine d’origine roumaine Ioana Uricaru raconte le parcours inhumain d’une mère et de son fils qui aspirent à une vie meilleure avec le film Lemonade (2018) projeté dans la cadre du Festival du nouveau cinéma du 3 au 14 octobre.
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«Nous en tant que Québécois, qu’Occidentaux, on entend parler d’immigration à travers les médias. Avez-vous fait une recherche avant de faire ce film, ce qui est montré est-il vraiment arrivé à des migrants que vous connaissez?», a demandé un spectateur après la projection. La cinéaste, émue, a expliqué qu’elle a amalgamé des histoires qu’on lui a racontées y compris une scène qu’elle a elle-même vécue.
Lemonade, le titre du film, provient d’une expression américaine : quand la vie te donne des citrons, fais de la limonade avec. Une formule d’encouragement qu’elle avait reçu pendant un moment difficile, qu’elle interprète ironiquement comme une façon de banaliser la situation. Cette pensée magique individualise le problème suggérant que tout le poids des conséquences doit être porté sur ses épaules, que chacun est responsable de son sort.
Malgré son honnêteté, le chemin entrepris pour réguler son statut de l’infirmière Mara accompagné de son fils Dragos est semé d’embûches, prend des allures labyrinthiques et le fantôme de Franz Kafka semble tirer les ficelles à l’occasion. Cependant, quelques rayons de soleil arrivent à percer cette carapace hostile par quelques personnages qui lui vient en aide : son amie femme de ménage dans un motel, la directrice d’une charter school et l’avocat qui a su tirer son épingle du jeu.
Citrons pressés
Ioana Uricaru a étudié le cinéma en Roumanie aux côtés de Cristian Mungiu, le cinéaste de 4 mois, 3 semaines et 2 jours (2007), montrant l’anonymat d’un avortement illégal en Roumanie dans les années 1980. Il s’agit du producteur de Lemonade (2018) tourné à Montréal. L’obscurité qui se referme sur les personnages ponctuée de tensions lie ces deux films. À la différence que la réalisatrice y met plus de cœur, de l’affection maternelle.
Cette passion qui distingue le style de la cinéaste en fait également un boulet puisque l’amalgame des histoires vécues qui ont servi à l’élaboration du scénario sombre dans les excès. Mara incarne un archétype de migrante qui vit ce que plusieurs ont vécu en une seule vie, en moins d’une heure et demie. Ça déborde parfois.
Autre aspect bivalent, le film a pu voir le jour dans la métropole québécoise. Le spectateur d’ici, au regard aiguisé, aura du mal à accepter ce truchement de scénographie en voyant les panneaux de signalisation, la tour de la Bourse et l’échangeur autoroutier du Vieux-Port. La matérialité du pays de la propriété privée n’y est pas.
N’empêche que la réalisatrice et son équipe ont trouvé des astuces ingénieuses pour maquiller les lieux.
Lemonade (2018) d’Ioana Uricaru sera projeté le vendredi 12 octobre.
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