L’occasion était trop belle pour l’ignorer: pour le 50e anniversaire du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, l’équipe de direction a offert à nul autre que Mani Soleymanlou d’ouvrir le bal de cette année à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de l’institution théâtrale montréalaise. Et quoi de mieux qu’une oeuvre sur la mort pour célébrer?
Pour cette pièce intitulée Neuf (titre provisoire), le public – et les comédiens – ont rendez-vous au salon funéraire. Quelqu’un est mort, après tout, et il serait inapproprié de ne pas saluer sa mémoire avec un texte préparé d’avance que devront interpréter les acteurs.
Sur scène, des grands noms: Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani. Dans une valse-comédie mêlant fiction et ce qui pourrait s’apparenter à un documentaire, ces acteurs échangent sur la vie, sur leur vie, mais aussi sur les années qui passent, sur les transformations de la société, sur la mort, sur l’inévitable dialogue avec la Faucheuse.
Et puisque Mani Soleymanlou est toujours aussi fidèle à lui-même, hé bien, ce Neuf ne surprendra pas les habitués de ce style théâtral: on rit, on réfléchit, on grince des dents. Devant le public, les interprètes semblent injecter une bonne dose d’eux-mêmes dans leur texte, dans leur manière d’agir. L’expérience a des allures de catharsis, de libération jouissive. Comme si ces acteurs se libéraient d’un grand poids. Ou n’est-ce seulement que les indications scéniques qui sont suivies à la lettre, et rien d’autre?
Jouant finement sur la mince frontière entre théâtre de haut vol et théâtre-vérité, Mani Soleymanlou poursuit donc son exploration du paysage dramaturgique et théâtral québécois.
Pièce parfois échevelée – à l’image de la vie elle-même, avanceront certains -, pièce plus que conséquente, pièce par moments diablement efficace, Neuf (titre provisoire) prouve hors de tout doute que l’auteur maîtrise son sujet.
S’agit-il, alors, de la « mort » de Mani Soleymanlou? Nous annonçait-on une retraite prématurée, une sortie de scène au faîte de la gloire? Si tel est le cas, l’exercice aura sans doute été un peu présomptueux. Il y a fort à parier, heureusement, qu’il s’agit ici d’une nouvelle étape dans le parcours dramaturgique de l’auteur, et non pas l’annonce d’une disparition programmée. Et c’est tant mieux ainsi!
Neuf (titre provisoire), texte et mise en scène de Mani Soleymanlou, avec Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani. Joué au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 20 octobre.
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