Deuxième texte de l’auteure Catherine Chabot, après la pièce coup-de-poing Table rase, en 2015, Dans le champ amoureux, joué au Théâtre Espace libre, combine sentiments amoureux et philosophie dans une cavalcade passionnée faisant à la fois rire et grincer des dents.
Il travaille à son doctorat en philosophie, elle est amoureuse non pas de lui, mais de l’idée qu’elle se fait de leur relation. Il l’a déjà trompée, et envisage de retrouver son flirt pour une soirée qu’on devine ne pas être tout à fait innocente. Elle cherche par tous les moyens à l’empêcher de partir, même si elle sent bien que, dans le fond, la relation est déjà vouée à une mort lente et pénible.
Combinant jouissivement grands passages philosophiques et pulsions tout à fait terrestres, l’auteure anime ce combat des esprits et des corps avec une dextérité qui surprend. On aurait pu, en effet, s’en tenir à une joute intellectuelle, à des échanges de répliques assassines dans cette arène représentée par la chambre à coucher du couple. On aurait aussi pu opter pour la solution inverse, cloître cet affrontement dans les limites du corporel, du toucher, du human interest. Chaque option aurait eu ses avantages et ses inconvénients, et il y a fort à parier que des pièces tout à fait compétentes auraient pu émerger de ces choix.
Pourtant, Catherine Chabot décide ici de prendre le risque de mordre la poussière en combinant à la fois l’intellect et le charnel. Ce faisant, elle expose clairement cette fausse dualité entre le corps et l’esprit. Il fait beau voir nos personnages tenter d’expliquer ce qui sort de leurs tripes par de grandes déclarations possédant un sens, certes, mais qui sonnent néanmoins particulièrement creux. À quoi bon se justifier, justifier l’injustifiable par des discours sur les faux idéaux du couple, lorsque l’on en vient, en bout de course, à faire appel à ses plus bas instincts?
Mettant en scène l’auteure elle-même, ainsi que Fayolle Jean Jr et Francis-William Rhéaume, Dans le champ amoureux est une pièce possédant certains accents légers, oui, mais ne nous y trompons point: la porte de sortie de cette relation pouvant être qualifiée de toxique est ornée de pointes acérées sur lesquelles nos personnages viendront s’écorcher jusqu’au sang. Le public souffrira joyeusement avec eux, porté par ce violent chaos amoureux qui sape d’abord les fondations d’un certain snobisme intellectuel, mais qui vient également jeter de l’huile sur le feu des théories des relations de couple.
À voir!
Dans le champ amoureux, de Catherine Chabot, mise en scène de Frédéric Blanchette. Joué au Théâtre Espace libre jusqu’au 6 octobre.
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