Avec 13, un ludodrame sur Walter Benjamin projeté à la Cinémathèque québécoise, le cinéaste montréalais d’origine péruvienne Carlos Ferrand raconte l’exil à Paris de 1933 à 1940 de ce philosophe, historien de l’art et traducteur allemand. Alors que l’artiste multidisciplinaire montréalaise originaire de Berlin, Bettina Hoffmann présente Chorégraphie de mouvements derrière la vitrine du Goethe-Institut.
À mi-chemin entre Thirty Two Short Films About Glenn Gould (1993) de François Girard et Code inconnu (2000) de Michael Haneke, le moyen-métrage explique en treize parties la pensée indissociable de Walter Benjamin lui-même qui se fond dans son époque. À la différence de la série de courts-métrages qui ont pour objet le fameux pianiste, le penseur n’est pas l’objet puisque les parties sont des cadres plutôt que des angles. Semblable à la fiction du cinéaste allemand, la mécanique ingénieuse des séquences est implicite à la réalité rapportée.
Le terme ludodrame, contraction de ludique et drame, est une invention de Carlos Ferrand qui évoque l’idée du jeu. À la suite de la projection, il a expliqué que le penseur était un contemporain du psychologue Jean Piaget en faveur du développement intellectuel de l’enfant, mais pour qui c’était bien que l’enfant devienne adulte. Alors que Walter Benjamin ne valorisait pas ce passage à la vie adulte, il valorisait l’imaginaire de l’enfant. Le jeu en tant que grille de lecture du film apparaît sous forme d’avatars par des jouets en bois et des remarques enfantines que la raison corrigerait, mais pas les surréalistes auxquels adhérait le critique moustachu.
Carlos Ferrand a pris sept ans pour lire et comprendre son œuvre avant de produire le film. Une réalisation impliquant la transmission des images qui lui sont venues en tête aux artisans du cinéma. Ces derniers les ont représentés par des médiums aussi divers que des images tournées, des photographies, des animations en volume et virtuelles, ainsi qu’une exploration au niveau du son et du montage. Cette recherche éclectique rend-elle la complexité de l’essai L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique paru en 1935?
Persécuté par les nazis en tant que juif, marxiste et intellectuel, Walter Benjamin a profité de son exil parisien pour s’initier à l’herméneutique, noter ses réflexions sur la modernité et traduire de grandes figures littéraires comme Balzac, Baudelaire et Proust.
En vitrine
Au coin Saint-Laurent et Ontario, le Goethe-Institut offre aux passants trois chorégraphies de danse contemporaine projetées sur de grands écrans dans les vitrines du rez-de-chaussée de l’immeuble. À partir du trottoir, il est difficile de prendre assez de recul pour voir l’écran dans son ensemble. Collé à l’écran, le spectateur porte attention aux détails des mouvements rapprochés de ces danseurs qui semblent pris dans leur corps tant ils se déplacent peu dans l’espace.
Il faut traverser la rue afin d’avoir un autre point de vue, ainsi les danseurs s’insèrent dans le cadre de leur vitrine comme des mannequins. Primo, une personne devient faible, manque de s’effondrer et les trois autres essayent de la garder debout. Le quatuor bouge comme un organisme avec un membre malade. Secundo, le spectateur est témoin en contre-plongée de l’acte cruel de pousser quelqu’un dans l’eau. Tertio, six personnes agissent et interagissent dans un bureau silencieux au point d’engendrer le chaos.
À l’image de ces corps dépourvus de l’agilité normalement attribuée à la danse, la vue d’ensemble demeure obstruée par le passage des voitures qui transportent leur bruit, leur fumée et leur cadence rythmée par les règles de circulation.
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