Dan Fogelman touche finalement le fond du baril de ses déboires familiaux abracadabrants avec une proposition tellement tarabiscotée qu’on ne peut que soupirer et s’esclaffer au lieu de larmoyer comme il l’aurait souhaité. Life itself, c’est le côté sombre de la vie, dans tous les sens du terme.
On doit l’admettre, bien que notre subconscient ne voulait sûrement pas se l’avouer; Dan Fogelman a toujours montré un penchant assez tordu pour les histoires de familles particulièrement compliquées. Certes, il l’a d’ordre général toujours fait sous le style de la comédie, lui permettant plusieurs scénarios assez anonymes, jusqu’au délirant Crazy Stupid Love, pilier marquant de sa filmographie. Il s’est ensuite essayé à la réalisation et sa chronique qu’était Danny Collins fonctionnait plutôt bien, compte tenu du charme irrésistible de sa distribution, dont le duo surprenant unissant Al Pacino à Annette Bening. Bien qu’au-delà de l’anecdote de la lettre de John Lennon dont il s’est inspiré, se tramait surtout une réconciliation père-fils inattendue.
C’est ainsi qu’ont commencé à se suivre côte à côte les deux éléments clés d’une de ses productions : une histoire de famille brisée ou tordue mêlée à des noms de prestige. Exit alors ses participations au monde de l’animation, même si ses thématiques fétiches se trouvent certainement dans Cars et surtout Tangled (l’adoption, la richesse, les véritables valeurs de la vie, etc.), alors qu’il a finalement obtenu son succès le plus significatif de sa carrière avec la télésérie This Is Us.
Succès mondain inestimable qui a su redonner du prestige aux Primetime Dramas des chaînes câblées, Fogelman a ainsi cru trouver ses aises avec une série prête à manipuler et faire pleurer ses téléspectateurs de tous âges et de tous milieux, et ce à tout instant.
Voulant clairement reproduire la même recette à plus grande échelle, face au succès déjà vacillant de sa série télé (le public a déjà moins adhéré aux vas-et-viens exagérés de sa deuxième saison), il se retrouve alors avec le même genre de proposition, mais pour le grand écran cette fois. Offrant ce qui vraisemblablement devient un This Is Us condensé avec une meilleure distribution (difficile de faire pire que Mandy Moore), mais avec un scénario décidément pire (oui, cela est apparemment possible).
Mais le problème, s’il n’y en avait qu’un seul, c’est qu’il essaie beaucoup trop tout en ne faisant aucun effort. Il a beau regrouper Oscar Isaac, Olivia Wilde, Annette Bening et Antonio Banderas (qui ne partagent aucune scène, alors qu’ils avaient fait preuve d’une chimie étonnante dans Ruby Sparks), Mandy Patinkin et Olivia Cooke, notamment, rien n’y fait. Il abuse de leur talent et de leur présence pour leur faire jouer complètement n’importe quoi, trop occupé à lier et délier ses histoires en se forçant constamment à y faire ressortir le plus grand drame pour s’assurer de déprimer et de faire pleurer.
Le hic, c’est que plus le tout avance face à cette histoire qui multiplie les époques et les kilomètres, et plus l’ensemble devient tout à la fois prévisible et de plus en plus ridicule. Ce qu’il tentait d’utiliser comme poésie devient rapidement une parade d’absurdités où les messages qu’on essaie d’y faire passer, sous ses apparences d’ouverture et de générosité, deviennent particulièrement douteux.
De plus, reprenant son canevas télévisuel, mais avec plus de liberté, il y marque encore une obsession pour la musique, qui ne fonctionne pas, et d’interminables monologues qui exaspèrent au lieu d’émouvoir.
Certes, bien que cela soit particulièrement tentant, on ne se donnera pas l’honneur de vous dévoiler toutes les surprises particulièrement stupides que le film offre. On vous laissera plutôt le soin, si vous en avez le courage, de tout subir les très nombreux chapitres des deux heures du film qui, en plus de tout, tentent de se la jouer méta avec la narration, les personnages et la notion de personnage principal et de narrateur, tentant de tout unir la planète sous une seule vie unique, mais reliée, malgré elle.
Sorte de philosophie arriérée pour les nuls qui ne voient pas très loin au-delà du bout de leur nez, le film ne parvient donc pas à accorder la profondeur nécessaire aux thèmes particulièrement sombres qu’il aborde comme les abus, la dépression et le deuil. Il n’en devient alors qu’une farce involontaire qui marque les esprits de par le fait qu’une production aussi insipide est réussie à se rendre aussi loin que nos écrans.
Un ratage assez monumental qu’il faut décidément voir pour le croire.
4/10
Life itself prend l’affiche en salles ce vendredi 21 septembre.
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