Porteuse de possibilités narratives immenses, la science a de quoi inspirer les auteurs. Que ce soit par ses découvertes captivantes, les esprits fascinants qui la font vivre ou encore les questions éthiques ou philosophiques qu’elle soulève, la science demeure un terreau fertile pour élaborer le nœud d’une histoire.
Petit tour d’horizon de 10 livres marquants, parus au courant de la dernière année, qui lui font la part belle.
10 000 jours pour l’humanité — Jean-Michel Riou (Plon)
Tous les scientifiques sont unanimes: dans 31 ans, une comète frappera la Terre et éradiquera toute forme de vie. Afin d’éviter la panique générale, le tout est maintenu au silence, du moins jusqu’à ce qu’un journaliste soit mis au courant et décide de révéler la fatalité au grand jour. Un plan s’échafaude alors: construire des cités souterraines pour y abriter un 1,4 milliard de personnes. Puisque les avancées technologiques le permettent, tout est repensé en utilisant de l’énergie propre, en intégrant le recyclage de l’eau et des déchets, en misant sur l’alimentation à base d’insectes. Mais, est-ce que tous les humains, peu importe leur classe sociale, pourront y trouver refuge? Les dynamiques sociales qui ont cours depuis des siècles à la surface de la Terre migreront-elles jusqu’à ce nouveau monde? L’humanité vaut-elle d’être sauvée? Ce roman à la Jules Verne, bourré d’aventures et à saveur autant philosophique que scientifique, est un détonateur pour nous faire repenser le monde contemporain.
Dévorés — Charles-Étienne Ferland (L’Interligne)
Lorsqu’on combine le talent littéraire avec les connaissances scientifiques comme l’a fait Charles-Étienne Ferland, jeune auteur qui est également étudiant à la maîtrise en entomologie, on découvre une richesse romanesque incroyable. Dévorés, récit post-apocalyptique mettant en scène une invasion d’insectes géants à la robe bicolore noire et jaune, est effectivement tout aussi prenant que réaliste. Des ravageurs, comparables à des abeilles de plus d’un mètre de long, ont détruit les récoltes mondiales tout autant que les réserves alimentaires; maintenant, ils s’attaquent aux humains, semant le trouble dans la population. Un seul lieu est épargné: une petite île en Ontario. C’est là que Jack, le narrateur, ainsi que d’autres étudiants sous la tutelle d’un certain docteur Wallace se réuniront dans un laboratoire pour étudier cette espèce et trouver une solution à la survie de l’humanité.
Ma vie avec un scientifique: La fertilité — India Desjardins et Bach (L’Homme)
Le potin est connu: l’auteure India Desjardins (Le Journal d’Aurélie Laflamme) est en couple avec Olivier Bernard dit « Le Pharmachien ». Avec cette bande dessinée humoristique et légère, à saveur biographique, on plonge dans le quotidien du couple, mouvementé par l’émotivité de l’une et le pragmatisme de l’autre. Le récit s’échafaude autour de la question de la fertilité, plus précisément de l’impossibilité pour le couple d’avoir un enfant de façon naturelle ; il se tournera alors vers la procréation assistée. Ce sujet est d’ailleurs parfait pour exploiter les multiples divergences possibles entre un « cerveau rationnel » qui valorise les faits, les statistiques et les recherches et un « cerveau émotif », qui accordera de l’importance aux sensations, aux peurs, au hasard et aux trucs de grands-mères. Des situations hilarantes, riches de moments réalistes qui mettent de l’avant la beauté du dicton qui dit que les contraires s’attirent. Avis aux couples formés d’un scientifique et d’un artiste !
Boréal — Sonja Delzongle (Denoël)
Dans ce thriller qui se rapproche d’un huis clos, on plonge dans l’immensité des terres gelées et de la nuit perpétuelle du Groenland alors qu’un groupe de huit scientifiques est envoyé à la base Arctica pour étudier les conséquences du changement climatique. Mais bien vite, une découverte terrifiante viendra tout chambouler. Certains ont comparé ce roman au thriller Les dix petits nègres d’Agatha Christie, et avec raison: puisque tous les scientifiques — ils ont tous une personnalité bien trempée, d’ailleurs — sont poussés à bout par la nature hostile et froide, il leur est plus difficile de faire face aux divergences d’opinions avec tact et les limites semblent alors sans cesse repoussées. Ils devront ainsi combattre pour leur survie, leur pire ennemi n’étant cependant pas nécessairement la nature…
Marie et Bronia, le pacte des sœurs — Natasha Henry (Albin Michel)
Avec cette véritable plongée dans la vie des sœurs Curie, l’historienne Natasha Henry nous fait revivre une tout autre époque aux côtés de deux grandes dames. Si plusieurs connaissent les grandes lignes de la vie de Marie Curie, rares sont ceux qui savent que sa sœur fut la première femme gynécologue au monde, et rares sont ceux qui savent tout le chemin qu’elles ont dû parcourir pour devenir des pionnières de la science au féminin. Leur Pologne natale étant dominée par les Russes, les filles sont interdites d’études universitaires. Mais voilà, leur rêve de « devenir quelqu’un » passe par l’assouvissement de leur passion des sciences: c’est pourquoi elles feront un pacte et iront, ensemble, étudier à Paris prouvant ainsi leur vaillance et leur détermination.
La salle de bal — Anna Hope (Gallimard)
Anna Hope nous plonge avec fascination dans l’univers de la psychiatrie expérimentale du début du XXe siècle, grâce à un roman choral superbement écrit et mené. On y rencontre un médecin à tendance mégalomane, fortement imprégné d’un désir d’eugénisme, ainsi que deux patients qui décrivent leur réalité au sein d’un institut psychiatrique britannique. Chaque vendredi, un bal a lieu dans l’institut : c’est ainsi que valseront ensemble les deux personnages, mais c’est également là que les projets du docteur Fuller en lien avec le projet de loi sur le Contrôle des faibles d’esprit prendront forme. On s’immisce ainsi dans l’univers de la santé mentale non sans émotion, et on remercie l’auteure d’avoir su user d’autant d’empathie pour décrire cette réalité d’enfermement qui paraît, de nos jours, totalement surannée.
Rêves de machines — Louisa Hall (Gallimard)
Avec Rêves de machines, on plonge du côté de l’intelligence artificielle, de sa naissance jusqu’à ses dérives potentielles. Le tout est exploité dans un large panorama qui entraîne le lecteur de 1663 à 2040, grâce à un fil conducteur de type mémoriel qui unit toutes les voix de ce roman choral. Fort documentée, cette fiction qui prend ses assises sur les découvertes réelles donne la parole à six protagonistes: cinq humains et un robot. On y croise notamment le pionnier de l’informatique Alan Turing en 1928, mais aussi une petite fille en 2035 à qui on a confisqué le robot avec qui elle partage souvenirs et liens ténus. Un roman brillant, qui n’hésite pas à aborder la question du précipice potentiel entre vie réelle et virtuelle.
Voyage au centre de la Terre — Matteo Berton (La Pastèque)
Cette BD magistrale aux couleurs en aplat et à la ligne claire permet de revisiter l’œuvre du même nom écrite en 1864 par le grand Jules Verne sous le talent de l’illustrateur italien Matteo Berton. Les amoureux de la science y découvriront moult clins d’œil sur la géologie, la cryptologie, la spéléologie, la botanique et la paléontologie, en conservant la tradition de Verne de s’assurer que chaque détail scientifique soit précisé. Un petit tour d’horizon des avancées technologiques de l’époque et une façon originale de redécouvrir un classique de la littérature sous la forme artistique du 9e art.
Sang merci: sous la loupe de Lambert — Yves Minogue (Véritas)
Le monde des sciences n’étant pas toujours réjouissant, avec ce roman, on tombe dans les bas-fonds des laboratoires pharmaceutiques et des visées mégalomanes de certaines gens qui usent de leurs connaissances à mauvais escient. Ce thriller, qui se déroule à Montréal, est mené par une enquêteuse qu’on se plaît à apprécier, la lieutenante Lambert qui possède un passé trouble. Elle devra enquêter sur une série de décès — meurtres et suicides — dont les indices l’entraînent dans l’univers de la conception de vaccins clandestins et vers un certain laboratoire dirigé par un Russe dont le mandat serait l’implantation d’un centre de recherche en virologie.
Les sables de l’Armagosa — Claire Vaye Watkins (Albin Michel)
Désastre écologique. En Californie, la sécheresse a poussé les gens à quitter le territoire. Mais tous n’ont pas déserté. Le lecteur découvrira alors un couple de marginaux qui prendra sous son aile une jeune fille, laquelle leur redonnera un semblant d’espoir pour continuer. Puisqu’une rumeur susurre qu’une colonie existe, au-delà de la dune qui menace de les envahir, qui pourrait leur offrir des jours meilleurs, le trio fonce. Le lecteur embarque ainsi dans un road-novel écologique où il comprendra que les raisons du désastre ayant mené à cette vie post-apocalyptique sont les changements climatiques et ce que les humains ont fait de leur planète.
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