Un jeu, un studio, un créateur: le documentaire Playing Hard s’intéresse au passage de l’auteur de jeux vidéo Jason VandenBerghe au sein du projet For Honor, le jeu de combat massivement multijoueur développé par Ubisoft. À la fois portrait et récit, Playing Hard saura plaire aux amateurs, mais décevra peut-être les mordus.
Concepteur de jeux chez Ubisoft depuis 2008, Jason VandenBerghe rêvait depuis toujours de créer For Honor. Après tout, qui n’a jamais rêvé, étant petit garçon, de faire s’affronter des chevaliers, des vikings et des samouraïs? Qui n’a jamais brandi un bout de bois et prétendu qu’il s’agissait d’une épée? VandenBerghe le dira lui-même à plusieurs reprises: après avoir cherché pendant des années pour trouver ce type de jeu sur le marché, voilà qu’il réalise son rêve.
Du rêve à la réalité, il y a toutefois une marge. Si les grands patrons d’Ubisoft finissent par donner le feu vert – et des sommes conséquentes – pour la création de For Honor, permettant du même coup la naissance d’une nouvelle franchise, chose particulièrement rare chez les grands studios de jeux vidéo, y compris chez Ubisoft, le processus de création s’étirera sur quatre longues années, et pousseront plusieurs dirigeants à leurs limites.
Voilà probablement là où Playing Hard est le plus intéressant: le film montre que les grands studios ne sont pas immunisés contre les problèmes de production, bien au contraire. Différences d’opinion, frustrations, démissions, appels au calme… Les gens de chez Ubisoft ont laissé le champ relativement libre à l’équipe de tournage.
Mais ont-ils donné suffisamment de latitude? Si l’on apprécie le temps passé avec M. VandenBerghe, si l’on s’intéresse aux aléas de la production de For Honor, si l’on entraperçoit certains des problèmes qui viendront grever le développement, comme ce moment où l’on nous dit qu’il faudrait embaucher 500 personnes de plus, mais que le budget ne le permet pas, ou cet autre moment, corollaire du premier, où l’on se met à faire disparaître des fonctionnalités pour s’assurer de lancer le jeu à temps, on a l’impression qu’il manque quelque chose, qu’il manque ce moment où tout se met à basculer, où les dirigeants font pression pour que tout aille plus vite.
À preuve, ces statistiques franchement encourageantes évoquant plus de trois millions de copies vendues peu de temps après le lancement du jeu. Une bonne nouvelle, non? Pas tout à fait, s’il faut en croire les visages fatigués des gens placés dans l’objectif de la caméra. Une personne au fait de ce qui se déroulait alors chez Ubisoft évoque la nécessité d’atteindre un nombre de copies vendues bien supérieur à celui qui est présenté dans le documentaire.
Faut-il blâmer les exigences corporatistes? La différence entre le rêve et la réalité est-elle à l’origine du départ – certains diront du congédiement – de Jason VandenBerghe?
En ce sens, Playing Hard nous laisse un peu sur notre faim. Néanmoins, il s’agit d’un passage bien intéressant dans les coulisses du jeu vidéo. Un exercice à refaire, ne serait-ce que pour mieux comprendre le fonctionnement de cette industrie titanesque.
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