Il y a chez Samuel Thivierge un désir criant de faire du cinéma comme ses idoles. Si le résultat est plus souvent risible qu’autre chose, il faut saluer la détermination d’avoir pondu quelque chose qui bénéficie d’une signature distincte. Identités, son deuxième long-métrage dont il assure la production, la réalisation, la scénarisation et le premier rôle, témoigne des meilleurs comme des pires penchants du créateur.
Qu’on le veuille ou non, Samuel Thivierge pourrait bien être le jeune cinéaste québécois le plus fascinant à suivre et à observer. Son affection pour le septième art est évidente, et sa volonté ne semble pas trouver beaucoup d’obstacles pour l’empêcher de mener ses projets à terme. Et s’il est pratiquement impossible d’oublier son premier film, l’unique La fille du Martin, pour ceux qui ont eu le privilège de tomber dessus, disons que le jeune cinéaste a parcouru un sacré bout de chemin depuis.
Beaucoup plus professionnel et moins amateur, Identités a davantage l’air d’une production respectable. La musique semble beaucoup moins sortie d’un Conte pour tous, le montage est relativement décent et la direction photo est stable. On notera toutefois des problèmes de lentille, alors que tout le film donne l’impression d’avoir été tourné avec un drone, tellement l’image a tendance à se déformer sur les côtés.
Notons par ailleurs la présence de gros noms dans la distribution, tels Gilbert Sicotte et Jean-Carl Boucher, ce dernier occupant un mini-rôle dans un fait vécu évoquant Catch Me if You Can.
Cependant, toutes ces pistes prometteuses sont mises de côté, et l’on finit rapidement par reconnaître la signature déjà distincte de Thivierge, dont le jeune âge et le manque d’expérience se font rapidement sentir dans les raccourcis toujours improbables et arrangés avec le gars des vues de son scénario. Carburant aux productions américaines qui n’ont ni queue ni tête, tant que l’histoire avance et que la fin se termine avec un twist que personne n’avait vu venir, notre jeune cinéaste trouve néanmoins le moyen de couper les coins encore plus rond et de multiplier les ellipses maladroites au fur et à mesure que le film avance et que son heure et demie en paraisse bien plus longue.
De plus, tel Gilles Carle ou André Forcier, Thivierge a une façon bien à lui de diriger ses comédiens et de leur faire dire des répliques sur-écrites qui bénéficient de leur propre rythme, prônant un manque flagrant de réalisme qui devient dur à déterminer si c’est un jeu d’acteur exagéré ou un choix volontaire.
Reste alors la saga très romancée d’un jeune à l’avenir prometteur qui décide de tout laisser tomber pour suivre une succession de mauvaises décisions qui le mènent sur le chemin des magouilles et des fraudes, entre rêve américain et craintes de se faire attraper. Une histoire trop belle pour être vraie aux accents loufoques qui, malgré ses détours plus sentimentaux ,est de très loin un pendant québécois à 99 Homes.
Enfin, Identités et un effort louable. Pour un petit film aux ambitions démesurées, on se retrouve avec un produit qui fascine plus souvent qu’autrement, tellement la recette qu’il tente de pasticher n’arrive jamais à se sortir de ses propres balises. Pour y voir l’œuvre passionnée d’un artiste qui n’a pas le talent qu’il pense posséder, voilà la production idéale à découvrir en attendant impatiemment de voir où l’avenir pourra bien le mener.
4/10
Identités est disponible en DVD via VVS Films depuis le 4 septembre dernier. Il s’agissait d’ailleurs de la première production québécoise prise en charge par le distributeur.