La confiance: c’est le sentiment qui a porté le spectacle inaugural amorçant la nouvelle tournée de Coeur de pirate hier à Montréal. Après dix ans de carrière, la chanteuse tatouée n’est plus une enfant.
Qui aurait cru, dix ans après des démos publiés un peu naïvement sur le réseau social Myspace, que Béatrice Martin se produirait pendant plus de deux heures dans l’une des plus grandes salles de Montréal, gréée d’un éventail à revendre de sublimes chansons. Oui, confiance! sur scène, dans ses paroles, sa gestuelle, son propos de féministe engagée. Hier soir, sa prestance crevait la scène.
En puisant dans ces dix ans de souvenirs ou plutôt dix ans de peines d’amour, Cœur de Pirate livra une prestation époustouflante, à des années-lumière de la jeune adolescente timide d’antan. Hier soir, elle apparut fièrement telle une égérie sixties, drapée de rouge devant des gradins illuminés de tons pastel où trônait son piano blanc dont elle fit usage avec une inhabituelle aisance. De quoi laisser ses détracteurs pantois devant la maturité scénique indéniable de son univers onirique.
On peut affirmer d’emblée que chacune des chansons jouées hier soir étaient émotivement et techniquement d’une trempe rarement vue auparavant chez la chanteuse. Le travail de l’orchestre – un bassiste, guitariste, claviériste, batteur – vint ajouter à la facture sonore une touche de magie permettant de restituer toute la sensibilité de son art.
Avec confiance toujours, elle prit des libertés inhabituelles, hors des sentiers battus, reprenant la chanson Dirty Dirty de Charlotte Cardin avant que celle-ci la rejoigne sur scène devant une foule conquise. C’était sans compter la reprise de Wicked Game, de Chris Isaak, qui vint peu après. Un clin d’œil à sa consœur, qui elle aussi a repris la célèbre chanson dans un vidéoclip à la popularité monstre sur YouTube.
Les classiques typiquement pirate ne furent pas oubliés, Béatrice livrant une généreuse rétrospective de sa carrière, équilibrant les chansons simples au piano du premier album éponyme aux magnifiques chansons de Blonde et de Roses. Avec cette tournée d’En cas de tempête, ce jardin sera fermé, Cœur de Pirate consolide avec brio son statut d’icône de la chanson québécoise et de star en France. Un peu comme si un grand déblocage était survenu et que la grande sensibilité de l’artiste pouvait enfin se transposer dans une interprétation fière et noble de son art.
Avant de conclure avec une apparition surprise du rappeur Loud pour la pièce Dans la nuit, au grain taillé sur mesure pour le palmarès de la radio française, le spectacle maintint le cap vers les plus grands succès crève-cœur enchainés les uns après les autres: Comme des enfants, Francis, Crier tout bas, Ensemble, chantés à tue-tête par une fraction du public étonnamment jeune. Ceux qui ne se rappellent peut-être pas entièrement toutes les tranches de vie traversée par la chanteuse. Pour les amateurs de la première heure, c’était plutôt un beau voyage dans les strates mnémoniques d’un passé nostalgique. Il était déjà loin le temps de Myspace, de la sortie des bars de la Main, et des amours éphémères au pied du Cap Diamant.
Après de dix ans de carrière, Cœur de pirate aurait donc réussi le tour de force de renouveler son public dont une bonne part avait dix ans… il y a dix ans!
Elle poursuivra cette nouvelle tournée durant l’année à venir dans une trentaine de villes, notamment Québec, New York, Munich, Londres, Paris et plusieurs autres villes françaises.
2 commentaires
Pingback: Aux frontières de nos rêves, véritable musique onirique
Pingback: Musique – Zoubida, ou comment faire fuir le froid