Avec BlacKkKlansman (2018), le cinéaste Spike Lee nous amène dans les montagnes du Colorado pour raconter l’histoire d’un agent d’infiltration en pleines contestations sociales des années 1970.
À l’aide d’un collègue d’origine juive, le policier afro-américain Ron Stallworth à Colorado Springs dans l’État du Colorado arrive à infiltrer les Black Panthers d’abord et le Ku Klux Klan (KKK) par la suite. Ce qui est intéressant avec les histoires d’infiltration au grand écran est que l’agent double joue la comédie de sorte que la réalité se dédouble dans le cadre de la fiction. Le risque est que l’acteur ne soit pas assez talentueux pour marquer une différence entre la couverture et le naturel. Dans les scènes d’interrogatoire, les séries policières prennent souvent le raccourcis de nous dire que le personnage ment plutôt que de nous le laisser deviner par son jeu.
Le style de Spike Lee ne fait pas dans la nuance, au contraire il souligne au marqueur indélébile ce qu’il veut nous montrer. Alors, il compense avec un contenu politique et l’esthétique. La coiffure sphérique afro, les grands collets ouverts, les gros bijoux africains, les traits intellectuels et le poing bien serré occupent un horizon scénographique en opposition avec un foyer de Blancs racistes à retardement. Malheureusement, la psychologie du policier juif devant adhérer au groupe n’est pas suffisamment développée. Ce serait un beau projet pour les frères Coen qui ont abordé le biculturalisme de la genèse d’Hollywood avec Hail Ceasar ! (2016).
À l’instar de Woody Allen, Spike Lee a tourné un bon nombre de films à New York avant de sortir de ce microcosme culturel. En réalisant Miracle at St. Anna (2008), un film sur les Buffalo Soldiers, racontant l’histoire de quatre soldats afro-américains pris au piège dans un village de Toscane en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste a abordé la dimension de la propagande. Il y a des affiches et ce personnage presque surréel qui détonnent du restant du film : une femme aryenne employant les ondes radiophoniques pour dissuader les soldats du camp adverse.
Avec BlacKkKlansman (2018), la voix nazie se métamorphose en porte-parole de la ségrégation raciale qui fait un exposé au commencement du film afin de mettre le spectateur au courant de cette mentalité. On nous montre des affiches de films de blaxploitation, un courant cinématographique afro-américain, mais c’est pour mieux mettre en abyme le cinéma comme médium de propagande dont la projection de The Birth of a Nation (1915) réalisé par D.W. Griffith, film culte du Ku Klux Klan.
À force de passer d’un groupe à l’autre, on comprend que les excès des uns engendrent les excès des autres pour enfin se questionner sur cette société qui abrite ces extrêmes.
En marge de ces catégorisations raciales ou ethniques, l’interculturalisme québécois issu de la même époque n’est pas une mauvaise option.