Bleu de Prusse, c’est le titre du plus récent ouvrage de Philip Kerr, paru chez Seuil. Ce nouveau roman du célèbre Britannique met en scène son inspecteur habituel, le kommissar Bernie Gunther.
L’histoire se déroule en deux temps. D’abord en pleine guerre froide, alors qu’on impose à Gunther une mission qu’il se refuse à accomplir et qui le poussera à la fuite. Ensuite, ou devrait-on dire, auparavant, en 1939, juste avant qu’Hitler n’envahisse la Pologne, au moment où Gunther est dépêché en pleine montagne, dans un des repaires du tyran, pour enquêter sur un meurtre.
Malgré quelques petites longueurs et un soupçon d’invraisemblance, les lecteurs qui appréciaient déjà le personnage de l’inspecteur irrévérencieux seront comblés. Beau parleur, séducteur, désabusé, rusé et brillant à souhait, Gunther n’hésite pas à fouiller là où on ne veut pas le laisser pénétrer. Il sait créer les alliances nécessaires à sa survie ou à sa mission, ce qui revient souvent au même. L’auteur utilise à bon escient les connaissances naissantes, pour l’époque, de la science médico-légale, et décrit très bien les luttes de pouvoir qui ont pu exister au sein même des plus hautes instances de l’organisation nazie. On nous apprend aussi de savoureux et impressionnants détails sur les lubies et les obsessions du führer, comme le titanesque et impérial salon de thé qu’Hitler a fait construire au milieu de nulle part, mais face à un magnifique paysage.
À travers un roman policier très bien ficelé, Kerr nous présente surtout un fort plaidoyer contre l’hitlérisme, nous dépeignant un tyran qui ne fait confiance qu’aux Bavarois, qui agit sur ses propres terres comme un envahisseur impérial et qui, avant même le déclenchement de la guerre, est honni et surtout craint par une bonne partie de la population de son pays.
Coup double donc pour Philip Kerr: leçon d’histoire et divertissement assuré.