Véritables icônes de la bande dessinée franco-belge, Spirou et Fantasio existent peut-être depuis 1938, mais avec l’album Fondation Z, Lebeault et Filippi prouvent qu’il est possible de dépoussiérer les deux héros et de les montrer sous un jour inédit, tout en respectant la mythologie déjà établie.
Il ne doit pas être évident de se renouveler quand on existe depuis 80 ans, et ne serait-ce que pour cette raison, la collection Le Spirou de… constitue une excellente idée, puisqu’elle donne à différents artistes depuis 2006 la chance d’apporter leur propre personnalité à la série, et d’utiliser à leur sauce les célèbres personnages. Confié au scénariste Denis-Pierre Filippi et à l’illustrateur Fabrice Lebeault, Fondation Z, le treizième album de cette collection, plonge carrément Spirou et Fantasio dans un univers de science-fiction digne de Valérian et du Cinquième élément. Dépaysant? Oui, un peu, mais surtout, très agréable à lire.
Fondation Z transpose des personnages hyperfamiliers dans un contexte très différent, soit l’époque de l’exploration spatiale. Ni groom ni reporter au journal portant son nom, Spirou travaille plutôt comme agent de surveillance biogénétique pour « l’Administration », et ses rêves d’action sont sur le point d’être comblés au-delà de toutes ses espérances lorsque son grand-père, le comte de Champignac, est kidnappé. Avec l’aide inopinée d’un agent double nommé Fantasio, le jeune héros voyagera de planète en planète à la recherche des ravisseurs, remontant la piste d’une mystérieuse fondation qui pourrait bien être responsable de toute une série d’enlèvements de scientifiques…
Il est fascinant de voir comment, tout en respectant la mythologie établie par la série, le scénariste Denis-Pierre Filippi réussit à faire entrer Spirou dans un monde de science-fiction avec Fondation Z. Vêtu d’un long imperméable noir et arborant un pistolet dans chaque main, Fantasio n’aura jamais eu l’air aussi coriace de toute sa carrière, et le fidèle Spip n’est plus un simple écureuil, mais bien une créature extraterrestre polymorphe capable de pirater les réseaux informatiques et de désactiver des androïdes. Le plus étonnant, c’est que l’auteur réussit, par un véritable tour de force scénaristique, à inscrire son récit comme un prélude au Il y a un sorcier à Champignac, une aventure du duo parue en… 1950!
Un seul coup d’œil à Fondation Z permet de constater à quel point la signature graphique de Fabrice Lebeault modernise de belle façon l’univers de Spirou, le faisant entrer dans le 21ème siècle. S’il n’est pas le premier à puiser dans l’esthétique rétrofuturiste, Lebeault apporte une touche très personnelle au style. Ses voitures volantes sont de vieilles Peugeots par exemple, et en mélangeant art déco et science-fiction, il produit des cités futuristes absolument uniques. Chaque case fourmille de détails méritant qu’on s’y attarde (un Guide Michemin traîne sur une table par exemple), et tout en se permettant beaucoup de libertés, on reconnaît immédiatement chaque personnage derrière son nouvel habillage.
À la fois familier et dépaysant, Fondation Z montre que, malgré leurs quatre-vingts années d’existence, Spirou et Fantasio n’ont toujours pas dit leur dernier mot, loin de là, et ceux et celles qui connaissent moindrement le duo seront ravis par cette superbe réinvention.
Fondation Z, de Lebeault et Filippi. Publié aux éditions Dupuis, 68 pages.
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