Tout ce qui monte doit théoriquement redescendre. Le problème, toutefois, avec l’intrigante proposition qu’est le long-métrage Terminal, première création importante de Vaughn Stein, c’est que l’ensemble ne prend jamais véritablement son envol et ne fait que tenter de satisfaire avant de chuter toujours plus bas jusqu’à son impitoyable dernier tournant, qui a tôt fait de nous achever avant sa fin.
L’heure est aux hommages, et la série B jusqu’à Z envahit les mégasproductions pour jouer autant sur la nostalgie que pour réduire les coûts de production, ramenant au passage des acteurs oubliés qui viennent se mélanger avec ceux du moment. Si certains exemples s’avèrent très réussis, ce n’est pas tout le monde qui peut prétendre être Nicolas Winding Refn, et disons qu’on a davantage droit à des Hotel Artemis qu’à des Drive.
Carburant aux néons, à l’ambiance néo-noir et arborant une technique léchée aux limites du possible, voilà un long-métrage qui visuellement fait pratiquement passer les fonds verts de Robert Rodriguez dans Sin City pour un film amateur. Certes, il y a bien quelques tableaux qui abusent un peu trop des plans larges, alors que l’effet « on a tout tourné dans un grand studio pour créer notre univers de toute pièce » est toujours à deux doigts de sonner faux, mais Stein, ayant participé à un grand nombre de grosses productions de cinéastes très recommandables, a sans mal réussi à se faire un très beau réseau de contacts lui permettant de s’offrir une excellente équipe technique et une distribution des plus alléchantes.
Cinéphile évident, cela l’empêche également d’avoir ne serait-ce qu’un brin de personnalité, incapable d’en faire ressortir un style distinct, se coinçant comme bien d’autres entre Ritchie et Tarantino, pour ne nommer que ceux-là. De plus, Margot Robbie confirme que ce qu’elle a réussi à faire passer pour du talent par le passé était une bien belle parure, tellement sa performance est ici dépourvue de toute nuance, alors que Max Irons est surtout là pour sa belle gueule et faire plaisir à papa, comme dans tous ses autres projets. Heureusement, on a toujours un malin plaisir à retrouver Mike Myers et Dexter Fletcher, alors que Simon Pegg est, comme on s’y attend, aussi essentiel qu’attendu.
Comme quoi, Terminal est loin de ne pas être prometteur. Dans la veine des John Wick, on alterne les tonalités, on fait ressortir l’humour aux moments les plus inattendus, et on redonne aux films de vengeance et de tueurs à gages un nouveau souffle en tentant de complexifier leur raison d’être. Et pendant une bonne partie du film, disons que ça fonctionne. On se laisse aspirer dans cet exercice de style maniéré et on en vient même à apprécier ce parallèle plus ou moins subtil entre le terminal, lieu principal du film, et la mort, fin définitive de la vie.
Plusieurs amusantes réflexions sur le désir de mourir, la façon de s’y prendre et l’importance d’y succomber naturellement ou volontairement chicotent certainement notre esprit, la talent de Pegg y étant pour beaucoup.
Dommage alors que plus le film avance, comme la majorité des films de notre époque, plus on mise beaucoup trop sur les révélations que tout le monde voit venir (enlevant toute surprise et ne faisant qu’accentuer leur ridicule) et sur les justifications de l’ensemble, histoire de démontrer comme un bon écolier que tout le film se tient histoire de ne laisser aucun mystère en suspens. Sauf qu’ici, c’est pratiquement pire que tout, tellement le revirement final est d’une insultante absurdité et d’un sérieux qu’on n’arrive même pas à s’expliquer, alors qu’on en vient à s’interroger si le Sucker Punch de Snyder n’était peut-être pas finalement la belle œuvre que certains y ont vu, dans la lignée des productions ne jurant que par un girl power forcé.
Grande débande scénaristique, il est encore plus dommage de voir toute cette brochette de comédiens devoir s’enfoncer avec dévotion et surtout sérieux dans une histoire qui n’a qu’un arrière-goût très amer à nous laisser en héritage.
On gardera donc en tête les talents techniques de Stein, qui doivent y trouver un angle intéressant dans les segments making of qu’on retrouve sur le DVD. On va seulement espérer qu’à l’avenir, il gardera ses talents d’esthète pour un scénario qui ne lui appartient pas, ses idées scénaristiques étant certainement d’un très moindre intérêt. Un film donc pour vos beaux yeux, mais certainement pas pour votre intellect que vous êtes très certainement mieux de laisser à l’entrée.
5/10
Terminal est disponible en DVD et en Blu-ray via VVS Films depuis le 26 juin.
En complément:
Ant-Man and the Wasp: réduire le plaisir pour accroître l’ennui
Un commentaire
Pingback: Ciao Ciao – Transition dans un paysage fluorescent